L'article ci-dessous est paru dans le quotidien La Voix du Nord, Nord - Pas-de-Calais, France, page 4, 7 octobre 1954.
Décidément, l'abondance des matières va nous pousser à créer une nouvelle chronique: celle des soucoupes volantes. Il paraît qu'elles ne se bornent plus à voler. Elles atterrissent, font du rase-mottes, changent de forme, laissent des traces d'huile sur le sol, dégagent une odeur de nitro-benzine, laissent échapper des flammes violettes, verdâtres. Elles ont un mètre de diamètre, 2,3, 10. Elle se déplacent horizontalement, verticalement, s'immobilisent, se volatilisent.
Elles ont des passagers velus comme des singes qui pénètrent dans le fournil d'un boulanger, tapent sur l'épaule un cultivateur; des êtres qui ont la taille d'enfants. Cette fois, des précisions, nous en avons. Réjouissons-nous vivement: elles n'ont encore causé de préjudice à personne. Nos visiteurs, c'est sûr, sont pratiquement prêts à rompre la glace.
Attendons avec sérénité.
Mais avant que sonne cette heure historique les âmes fortes n'osent plus lever les yeux au ciel sans émotion: "Mon tour est-il arrivé de voir une soucoupe?"
Avions de Coxyde, qui filez le long de la côte, ballons-sondes de la météorologie, météores fantaisistes dont Sénèque -- déjà -- avait décrit les caprices, étoiles filantes, lune pleine ou demi-pleine quand vous vous trouvez réunis dans le grand concert céleste comme vous devez rire des gens de la terre!
Car à l'heure actuelle les témoignages sont tels que plus personne ne pense à vous.
Allez prétendre que le disque orange repéré par M. Julien Bédié, M. et Mme Quennehen n'était pas une soucoupe; allez prétendre à Mme Nelly Mansart qu'elle n'a pas été littéralement poursuivie sur la route de Hérissart, à Amiens par une boule éclatante qui suivait sa voiture, contournait les villages, la reprenait la chasse à leur sortie, s'arrêtait quand l'auto stoppait, repartait en même temps qu'elle, que ses terreurs ont été vaines... Autant promettre la lune.
Dans la Somme où les usagers du ciel deviennent envahissants, de Saint-Just à Boves, de Montières à Dreuil, de Rainneville à Amiens, en Bretagne, à Saint-Brieuc et Trégueux, en Vendée, à Thouare-sur-Vie, dans le Finistère à Quimper, le contingent quotidien de nouvelles visions entretient le mythe. Une fois encore laissons faire, accueillons avec un vaste sourire en coin l'accumulation de cette forme nouvelle de témoignages de l'au-delà.
S'il devait être vrai que des êtres d'autres planètes serait occupée à relever, comme l'a avancé un savant du Kenya -- c'est loin tout ça !—la carte de la terre, ne les gênons pas dans leur travail.
Mieux, rasons nos montagnes, détournons le cours de nos fleuves au mieux de nos aspirations industrielles, fertilisons les déserts, bref, travaillons d'arrache-pied pour le bien de l'humanité à changer l'aspect de cette terre. Nul doute que cela ne passera pas inaperçu des Martiens. Et qu'ils prendront tout le temps désirable pour tenir à jouer cette carte.
Dame il faut être sûr de soi pour changer de planète.
Et surtout, repiochons sérieusement notre astrologie.
Jean HAUTEFEUILLE