L'article ci-dessous est paru dans le quotidien La Bourgogne Républicaine, Dijon, France, page 4, le 13 janvier 1954.
Après le phénomène céleste du 12 août qui, du Jura aux Morvan, eut des milliers de témoins, l'apparition du 9 novembre [sic] semble devoir faire date, à son tour, dans le volumineux dossier des "objets aériens non-identifié".
De tous les points de la région, les renseignements ont afflué.
Nos correspondants, nos lecteurs nous ont communiqué les observations qu'ils ont recueillies.
Observations qui jettent un jour étrange sur l'extraordinaire objet qui, samedi matin, a évolué pendant près de deux heures au-dessus de l'Est de la France.
Les premiers rapports laissaient la porte ouverte à toutes les hypothèses: météore, ballon, avion à réaction... ou soucoupe!
Ceux que nous avons recueillis depuis, permettent de rejeter carrément l'hypothèse d'un météorite [sic], dont la trajectoire est parfaitement régulière en direction et en vitesse, toujours très élevé: environ 40.000 km. à l'heure.
Ils permettent de rejeter également l'hypothèse du ballon, dans la vitesse apparente ne peut dépasser celles des courants les plus violents: 300 km.-heure.
En effet, qu'a-t-on vu samedi?
Samedi matin, 6 h. 15. D'un trait de lumière aveuglante, un engin de forme ronde déchire le ciel de Lunéville. Il vole du Nord vers le Sud. Aucun bruit.
7 h. 20: à Neuvelle-les-Champlitte, une lueur rouge jette un reflet de sang sur la campagne enneigée. Très haut, un objet assez long, suivi d'une traînée incandescente, décrit un immense arc de cercle et file vers le nord.
De Lunéville à Neuvelle: 130 km, à vol d'oiseau, que l'engin a parcouru en une heure.
7 h. 40: à Nancy, un disque jaunâtre file dans le ciel bas, traînant derrière lui, un faisceau lumineux. Sa grosseur semble approximativement celle du quart de la lune.
De Neuvelle à Nancy: 125 kilomètres, couverts en 20': l'allure, quoique toujours réduite, augmente 375: km.heure.
7 h. 45: Chaumont-Montigny-le-Roy-Langres-Gemeaux. En quelques dizaines de secondes, à une altitude qui semble relativement basse aux témoins, un engin fulgurant, à la trajectoire capricieuse, zèbre le jour naissant de sa lumière intense, rouge à l'avant, plus clair à l'arrière, avec des reflets verdâtres formant comme un faisceau triangulaire.
A Gemeaux, changement de direction: l'engin oblique franchement vers l'est. On le voit à à Oisilly, Vesoul, où un témoin a donné l'heure exacte de son passage: 7 h. 46.
Discordance des montres ou ralentissement temporaire? On ne le voit à Besançon que 4 minutes plus tard.
Nouveau changement de direction, moins accentué: Dole est survolé. Depuis Chaumont, l'objet a parcouru environ 250 kilomètres, en 5 minutes. L'escargot du matin a fait place à un véritable bolide: 3.000 km.heure! (approximativement).
Et l'extraordinaire périple se poursuit: Poligny, où on le voit comme un disque de couleur rouge jaune, semblant tourner sur lui-même, et suivi d'une traînée bleuâtre. Lons-le-Saulnier, où il évolue lentement, s'arrêtant presque complètement pendant une dizaine de secondes, avant de démarrer brutalement vers la Suisse, laissant derrière lui, au moment de son accélération, un énorme panache rougeoyant.
Quel météorite, quel ballon se serait livré à de si ahurissantes évolutions, et, pour un ballon, à de telles vitesses?
Pourtant, pour ne laisser subsister aucun doute, nous avons interrogé les différentes station de météo de la région.
"Aucun ballon n'a été lâché" nous a-t-on répondu.
Même réponse à la base américaine de Semoutiers: ce n'était ni un appareil de chez nous, ni un ballon lancé par nous!".
L'observatoire de Besançon n'a rien vu, et pour cause: les employés ne prennent le service qu'à partir de 8 h. 30!
Donc, pas question de ballons, même si on cherchait à admettre une erreur d'approximation de vitesse, vitesse ailleurs confirmée par les chiffres.
Ces deux hypothèses éliminées, que reste-t-il?
Il ne reste plus en présence que deux explications possibles: engin terrestre téléguidé... ou soucoupe.
Or, à notre connaissance, depuis la suppression de la station s'essai de Mailly, il n'y a plus ni en France, ni en Europe de l'Ouest, aucune base de lancement de tels engins.
Nous voici donc, une fois de plus, devant un beau point d'interrogation: qu'était-ce alors?
Un autre point troublant, vient s'ajouter au problème. En même temps que la Haute-Marne, le Doubs, la Côte-d'Or, le Jura étaient survolés, la région de Beaujeu et de Mâcon voyaient également passer un objet circulaire, jaunâtre, se déplaçant rapidement dans la direction N.N.O-S.S.E., et semblant évoluer à assez faible altitude.
Il semble peu probable que ce soit le même objet. En effet, une triangulation simplifiée détermine assez approximativement les conditions "nécessaires et suffisantes" pour que l'engin ait été vu à la fois de Nancy et de Beaujeu, distant de 350 kilomètres à vol d'oiseau!
Altitude requise: 30.000 mètres, en contradiction formelle avec les estimations données par les témoins, et qui varient entre 1.500 et 3.000 mètres.
Diamètre minimum pour que l'objet ait été aperçu comme un simple point (en supposant que le pouvoir séparateur de l'oeil soit égal à 1°) et non comme "une grosse mandarine" ou un disque gros comme le quart de la lune: une centaine de mètres.
Et ces conditions sont toutes théoriques. Elles requièrent, en effet, une visibilité parfaite, ce qui n'était pas le cas, de nombreux amas nébuleux couvrant certains points de la région.
Sur Dijon, et ses environs, par exemple, on notait deux huitièmes couverts, à 1.000 mètres, au moment de l'observation. A Besançon: cinq huitièmes à 400 mètre. A Nancy, pas de plafond. Partout, le vent était calme.
On peut donc raisonnablement supposer que ce n'est pas un seul, mais plusieurs objets non identifiés, qui ont sillonné le ciel samedi matin.
[Légende carte:] De Lunéville (en haut, à droite) à Lons-le-Saulnier, voici, reconstitué approximativement d'après les témoignages recueillis, l'extraordinaire périple qu'aurait accompli, samedi matin, l'étrange "objet non identifié". Mieux que de longs commentaires, ce croquis fait ressortir les changements de direction et les variations d'allure notée par les témoins. Un point d'interrogation: était-ce un autre engin qui a été vu à la même heure en Saône-et-Loire?
Et ces objets n'étaient pas des illusions d'optique. Trop de témoins dignes de foi (parmi eux des professeurs, des directeurs d'écoles, des ingénieurs) en trop d'endroits différents, ont donné des détails qui situent nettement un objet matériel:
Que reste-t-il alors comme explication?
Ceux qui ont vu ont leur opinion à peu près arrêtée: ils ont aperçu l'une de ces mystérieuses soucoupes, dont les apparitions en tous les points du globe, ont déchaîné les controverses les plus passionnées.
Aux autres, je laisse le soin de tirer les conclusions qui leur sembleront les plus satisfaisantes.
De toute façon, voilà une belle pièce supplémentaire au volumineux dossier des "objets aériens non identifiés!".
Ch. GARREAU.
Après l'Amérique, la France voit de plus en plus fréquemment apparaître dans son ciel d'étranges objets...
Que sont-ils? D'où viennent-ils? La question, jusqu'ici, est restée sans réponse.
Mais l'Armée de l'air des Etats-Unis, la première, a ouvert une enquête qui se prolonge depuis sept ans.
Très prochainement, sous la signature d'un expert américain [Donald Keyhoe] notre journal commencera la publication d'une passionnante série d'articles, qui révèleront à nos lecteurs quelques-uns des dossiers secrets de l'U.S. Air Force.