L'article ci-dessous est paru dans le quotidien Franc-Tireur, Paris, France, page , le octobre 1954.
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Ils furent très à la mode pendant une époque. Il en fut d'abord question outre-atlantique: ils créèrent des controverses passionnées, on en parlait, on en discutait... Brusquement ils disparurent. Pfuitt!... Plus un mot. Non, je ne parle pas de ces charmants demi-globes dont la nature a doté les femmes et de leur suppression due à la ligne haricot vert.
Il s'agit de ces mystérieux engin volant tels que soucoupes, cigares et autres ustensiles qui s'étaient évanouis de notre ciel quotidien. Depuis quelques semaines en France, ils se manifestent à nouveau un peu partout, avec une impudeur qui frise l'exhibitionnisme. Certains de ces engins étant allé, paraît-il, jusqu'à atterrir.
Michèle Morgan aussi en a vu
Des personnalités, Mme Michèle Morgan entre autres, auraient aperçu des faits étranges dans le ciel. Des témoins dignes de foi, comme ces "deux gendarmes en uniforme et dans l'exercice de leur fonction" auraient suivi à la jumelle un disque lumineux traversant l'atmosphère à haute altitude.
Tous ces bruits finissent par troubler l'opinion publique comme le prouve l'annonce suivante parue dans "Le Télégramme de Brest" du 18-9-54: "Récompense de 10 millions à qui m'apportera vivant un habitant de la planète Mars. S'adresser à Pré-Locronan (Finistère)." Avis aux amateurs.
Bref, nous n'avons plus rien à envier aux Etats-Unis qui furent pendant longtemps le terrain d'élection des soucoupes. Et nous, en bons Latins, nous témoignions à l'égard des organismes américains tels la Fortean society de New York et le Flying Saucers International de Los Angeles, une ironie vaguement teintée de mépris.
Un français un jour, pensa que nous avions tort de traiter cette question avec notre légèreté légendaire. Il s'appelle Marc Thirouin et il fonda un organisme chargé de recueillir le plus de témoignages concernant les soucoupes, de les trier, de les classer, et d'en faire surgir, si possible, la vérité. Voilà quel est le but de la commission d'enquête "Ouranos", seul organisme de ce genre en Europe.
Marc Thirouin s'entoura de collaborateurs astronomes, météorologistes bénévoles et amateurs, et possède des correspondants dans le monde entier. Pour n'être qu'officieux cet organisme n'en est pas moins sérieux.
Je pensais qu'il pourrait être intéressant de connaître l'avis d'un collaborateur d'Ouanos. J'allais donc voir M. Georges Lange, astronome amateur, et qui ne se signalerait en rien à l'attention des foules, si ce n'est qu'il a installé son télescope dans sa deux chevaux [automobile]. Ainsi équipé, il sillonne les routes dès que des phénomènes insolites se manifestent dans le ciel, afin d'essayer de voir au télescope s'il s'agit réellement d'une soucoupe, d'un météorite, ou d'un ballon-sonde. Jusqu'à présent, il n'a jamais rien vu de concluant, mais cela ne l'empêche pas d'être un passionné du problème et de l'avoir étudié à fond.
Quand je suis allé le voir il était justement en train d'astiquer et de fourbir son télescope.
Eh! bien, lui dis-je, vous devez être gâté en ce moment au point de vue observation des soucoupes. On n'en a jamais tant parlé en France, et c'est par escadrilles qu'elles sillonnent notre ciel. Au fait, quel est votre avis sur les témoignages recueillis ces derniers jours? Pensez-vous que les gens ont réellement vu un cigare où ont-ils été victimes d'hallucinations?
Georges Lange cessa de frotter sa lentille pour me répondre:
- Absolument pas! Je suis persuadé au contraire que dans la majorité des cas il y a bien eu quelque chose. Il y a trop de témoignages concordants pour qu'on puisse nier les faits. D'ailleurs la négation systématique n'est pas une position scientifique...
- Je suis de cet avis. Mais ne croyez-vous pas que des phénomènes naturels suffiraient à expliquer toutes les apparitions.
- Non. Les ballons-sonde, les météorites, les éclairs de chaleur, les effets de réfraction de phares d'auto sur les nuages, les mirages même, ne peuvent pas, loin de la, expliquer toutes les apparitions. Pour moi, il n'y a aucun doute: des engins mystérieux nous survolent.
- Et sur les soi-disant atterrissages de soucoupes et des embrassades intempestives de Martiens ou Vénusiens, quel est votre opinion?
Georges Lange réfléchit deux secondes.
- Là... J'avoue qu'il y a certainement un peu d'exagération.
- Ne croyez-vous pas que si réellement, des Martiens ou d'autres hommes de l'espace, puisqu'on n'est pas d'accord sur leur provenance exacte, venaient voir ce qui se passe chez nous, ne croyez-vous pas qu'ils chercheraient à se faire connaître et que, pour se poser, ils choisiraient d'autres endroits que des prés, forêts, clairières où juste comme par hasard, il se trouve toujours un quidam quelconque, seul, pour les observer?
- Votre objection est juste, mais vous oubliez que ces hommes de l'espace ignorent totalement l'accueil que nous leur réserverions à l'occasion. Ils se méfient sans doute...
- Je ne vois pas pourquoi ils nous craindraient. D'abord, depuis qu'ils nous examinent, ils ont bien dû se rendre compte que nous n'étions plus des sauvages et ensuite, étant donné l'avance technique et scientifique qu'ils ont sur nous, ils possèdent certainement de quoi nous maintenir à distance respectueuse. En admettant, évidemment, qu'ils existent...
Mon interlocuteur me considéra en souriant:
- Vous n'y croyez pas? Vous avez tort...
- Si un jour, une soucoupe se posait à Orly, que tous les techniciens de l'air la verraient, que des centaines de personnes seraient témoins, que ces hommes de l'espace laisseraient une preuve tangible de leur passage, alors je commencerait à être ébranlée. Il y a un fait qui m'a toujours étonnée: les observations de cigares ou soucoupe sont toujours [!] rapportées par deux ou trois personnes seulement. C'est peu convaincant...
"Il y a des gens qui dont le métier est d'avoir les yeux braqués sur le ciel. Or les astronomes sont les seuls à n'avoir jamais rien vu [!]. C'est pour le moins curieux?"
- Je m'étonnais que vous ne m'ayez pas encore tenu ce raisonnement! Vous oubliez, comme les astronomes, un point très important: étant donné l'énorme grossissement de leurs télescopes, et par conséquent la petitesse du champ observé, il faudrait un concours de circonstances exceptionnelles pour que, au moment précis où il braque leurs objectifs sur un tout petit point d'espace céleste, passe une soucoupe. Et en admettant même qu'ils aient de chance, ils ne verraient rien du tout.
A suivre.
