L'article ci-dessous est paru dans le quotidien L'Est Républicain, France, page 1, le 6 octobre 1954.
Après le survol de la Maison Blanche par des soucoupes l'enquête révéla que les radars s'étaient trompés.
Des milliers de personnes ont réellement vu des "objets lumineux" se promener dans le ciel de façon déroutante. Certes, le 28 septembre dernier, la "soucoupe" aperçue au-dessus du mont Revard par le Dr Martinet et une quinzaine d'autres personnes n'était qu'un vol d'étourneaux. Le bon médecin admit son erreur le lendemain lorsqu'un aviateur, M. Michel Guyard, vint lui révéler que lui aussi avait été intrigué par ce tournoiement scintillant, mais qu'en s'approchant avec son avion il n'avait effarouché que de paisibles oiseaux - faisant, du même coup, fondre le disque parfait qu'ils formaient.
Il est impossible, par contre, de mettre sur le compte de l'hallucination collective certains phénomènes observés... bien qu'il soit juste de noter dès l'abord que ces "soucoupes" se manifestent sous des aspects extrêmement divers.
Dans les quelques cent cinquante cas que nous avons pu cataloguer en France, elles ressemblaient à des boules de feu rondes ou oblongues, mates ou lumineuses, grosses ou petites, bleues, vertes, rouges, jaunes ou blanches, nues ou ceintes d'un anneau, bruyantes ou silencieuses, produisant des étincelles (ou de la fumée) ou ne laissant nul sillage, lorsqu'elles n'avaient pas la forme de disques, de cigares, voire de demi-cigares.
On en a vu de jour et de nuit, mais comme si leurs occupants préféraient les heures troubles du crépuscule. On les a surtout vues évoluer de toutes les façons: lentement ou vite, horizontalement ou verticalement, en ligne droite ou en ligne brisée.
Comment s'y reconnaître?
Y aurait-il donc tant de soucoupes différentes et d'origines si variées? Si elles nous viennent de l'espace cosmique, y a-t-il tant d'autres mondes habités... et qui s'intéressent à nous?
A la vérité, rien de bien précis n'a pu être tiré des observations rapportées et souvent les témoins d'un même phénomène ne sont pas d'accord entre eux quant à la taille, à la forme et à la couleur de l'objet. Nous en sommes donc au même stade que les Américains en 1952, lorsque le nouveau radar installé depuis quelques jours seulement à Washington détecta un vol de "soucoupes", plaçant enfin l'affaire sur le plan scientifique. Cet appareil ne pouvait se tromper et jouait le rôle d'arbitre de façon inattendue mais inquiétante.
Les spécialistes de service assuraient leur veille dans leurs locaux neufs, lorsqu'un beau matin l'homme de garde sursauta: un écho lumineux apparaissait sur l'écran alors qu'un avion n'était signalé. Ils crurent d'abord - c'était déjà arrivé - qu'un appareil commercial avait enfreint les règlements de la navigation aérienne et survolait la zone interdite de la Maison Blanche. Ils alertèrent les escadrilles de "Shooting Star", qui décollèrent aussitôt. Mais l'"objet" s'évanouit avant l'arrivée des chasseurs. La chose s'était donc enfuie à une vitesse inimaginable, accréditant du même coup l'existence de tous ces objets folâtrant en zig-zag à des milliers de kilomètres à l'heure avant de se dissoudre dans le ciel. L'émotion monta singulièrement et il fut officiellement décidé de renforcer les dispositifs de surveillance. L'ordre n'était pas inutile, car quelques jours plus tard, une nouvelle alerte était donnée.
Les chasseurs décollent et se ruent de toute la puissance de leurs réacteurs vers le point du ciel qui leur est indiqué par radio, mais parvenus sur place, ils annoncent à nouveau: - Le ciel est vide.
Cette fois les hommes du radar bondissent. La tache lumineuse est là sur leur écran, indiscutable et provocante. Les petite taches des "Shooting Star[s]" s'en rapprochent jusqu'à la recouvrir. Soucoupes, cigares et boules de feu.
- Attention, vous êtes en contact, hurlent les radaristes. Mais les chasseurs foncent à 800 km-h, dans un ciel toujours aussi désert, présentant peut-être à cet endroit une transparence un peu plus laiteuse.
Les fameux "objets" ne seraient-ils que des ectoplasmes?
Une fois de plus l'opinion publique s'émeut. Des lettres parviennent à l'U.S. Air Force pour demander qu'on "n'irrite pas les visiteurs". "Pour l'amour de Dieu, ne tirez pas sur les soucoupes", implore un correspondant. Les techniciens, bien sûr, ne croient guère aux revenants. Une nouvelle commission est nommée. Pendant six mois, aérodynamiciens, astronomes, météorologistes et savants de toutes les disciplines ayant quelque rapport possible avec les "soucoupes" étudient des dizaines de cas. Et leur conclusion éclate soudain, étonnante mais indiscutable, libérant l'Amérique d'une partie de sa crainte, en révélant que le radar, lui aussi, s'était trompé. Chaque fois qu'une image fantôme avait marqué les chasseurs météorologistes avaient constaté, en altitude, la présence d'une couche d'air froid entre deux couches d'air chaud. La densité (et l'indice de réfraction) de l'air variant avec la température, ce "sandwich" s'était comporté comme un miroir pour les ondes radioélectriques et les avions avaient été guidés, après une descente aussi rapide que la montée, vers des hangars ou des ouvrages métalliques bien terriens. Le phénomène peut aussi bien refléter le soleil dans la journée et la lune ou les lumières d'une ville la nuit. Souvent même, l'image est double ou triple, chaque surface de séparation jouant un rôle distinct; "Soucoupes par paires".
Certes les inversions de température n'expliquent pas tout. Mais les spécialistes américains estiment qu'elles furent responsables de près de 80% des apparitions lumineuses signalées Outre- Atlantique, et de nombreux engins mystérieux observés en France peuvent sans doute leur être attribués.
On peut noter, par ordre chronologique, deux lueurs parallèles à Antibes, en août 1949, deux boules argentées à Poitiers, le 10 mai 1952, deux disques blancs à la Roche-sur-Yon, douze jours plus tard, de "nombreuses soucoupes rouges" volant en zig-zag, deux par deux, le 17 octobre 1952, à Oloron-Sainte-Marie (le radar de Mont-de-Marsan en perçoit l'écho comme ses frères américains). Bien d'autres cas seraient à citer jusqu'aux plus récents: le 24 septembre dernier furent signalés trois objets ovales à Bayonne, trois en Charente-Maritime et six "cigares" évoluant deux par deux à Lantefontaine, en Lorraine.
Les cas de phénomènes isolés sont plus nombreux encore. - Quoi! s'écrient les "pro-soucoupistes" déçus, ce n'était donc que cela? Constatons honnêtement que nous retrouvons dans cette catégorie de manifestations la plupart des caractéristiques signalées par les "témoins": lueurs floues, quelquefois entourées d'un halo, apparition et disparition (avec la complicité des nuages ou par suite de l'évanouissement des conditions) et surtout évolutions aussi capricieuses que rapides. La surface de séparation des deux couches d'air n'est pas immobile, bien sûr ; elle se vide et se gondole sous l'influence des remous de l'atmosphère et l'image est rejetée d'un coin à l'autre du ciel.
On peut regretter que les observations soient généralement trop imprécises pour permettre au technicien de trancher avec autorité; mais seules des manifestations immatérielles peuvent être douées des vitesses vertigineuses, instantanées, prêtées aux "soucoupes" dont la plupart des cas. Quelle que soit leur origine, les visiteurs terrestres ou extra-terrestres seraient soumis aux lois universelles de la gravitation (et par conséquent de l'accélération) puisque toutes les planètes de toutes les galaxies les subissent. Quels que soient la puissance de leurs machines et leur génie, les "soucoupes" ne pourraient s'affranchir de leur propre poids. Et tous les courants magnétiques ou autres rayons cosmiques qu'ils sont réputés utiliser ne peuvent en faire des êtres immatériels. Mais les météorologistes ont encore dans leur arsenal les nuages nocturnes lumineux que Vestine et Störmer estiment composés de poussières cosmiques très fines provenant de l'espace sidéral. Ces météores qui se tiennent à 75 ou 80 kilomètres de hauteur, deviennent de plus en plus brillant à mesure que la nuit s'avance et présentent leur éclat maximum à minuit environ. Le très sérieux "Atlas international des nuages" indique qu'ils peuvent être entraînés par les courants aériens puissants régnant à ces altitudes, à des vitesses de 50 à 250 mètres par seconde, soit 180 à 900 kms. Rappelons à notre tour qu'il suffit d'un petit cumulus, bien classique, mais caché dans la nuit, pour que la "soucoupe" s'évanouisse et réapparaisse.
- Mais, protestent les "pro-soucoupistes" vous n'avez encore démoli que des apparitions simplistes et décevantes avec ces arguments. Qu'ils se rassurent: il est d'autres réponses, plus variées et aussi sûres, aux manifestations plus étonnantes.
Tonneaux, disques, phares, marmites et boules volantes sont en passe de détrôner les soucoupes et autres cigares.
Le temps n'est plus, nous en sommes loin, où une banale "soucoupe" traversait l'azur à grande allure et disparaissait à l'horizon en laissant une trace bleuâtre. Depuis, il y a eu les "cigares" qui, en même temps que leur forme, prenaient généralement des teintes chatoyantes permettant aux témoins de ne pas se tromper.
Tout cela est périmé, si l'on en juge par les dernières observations faites en France par des personnes dont la bonne foi ne peut-être mise en doute. Les engins mystérieux qui suscitent tant de controverses et sont en passe de mettre la discorde dans bien des familles entre ceux qui y croient et ceux qui y croient pas, prennent maintenant des formes extrêmement variées et plaisantes. Quant aux couleurs, elles virent du jaune au rouge en passant par l'orange avec toutes les teintes et demi-teintes possibles. C'est ainsi qu'on a pu voir au cours des dernières vingt-quatre heures, dans le ciel de France, plusieurs disques, un gros phare, une grosse boule, une marmite, un croissant, un tonneau et une grosse étoile, sans parler des "soucoupes" et autres "cigares" dont l'énumération serait trop longue.
Les disques ont éveillé l'attention à la fois d'un chauffeur de taxi havrais, au-dessus de Deauville, et d'un journaliste lyonnais au sud de la basilique de Fourvière. Dans les deux cas, ils étaient rouge-orange et brillants. ils ont disparu au bout de dix minutes seulement. Le gros phare se déplaçait au-dessus d'Aurec-sur-Loire (Haute-Loire) à vive allure en émettant un faisceau lumineux rouge-orange également. "Lorsqu'il disparut, racontent les témoins, M. et Mme Teyssier, de Saint-Etienne, un deuxième engin, semblable au premier et paraissant le suivre, disparut dans la même direction".
A Epinac-les-Mines (Saône-et-Loire), des automobilistes, intrigués, s'arrêtèrent au bord de la route pour suivre les lentes et gracieuses évolutions d'une grosse boule lumineuse dont la couleur, malheureusement, n'est pas précisée.
La marmite et le croissant ont troublé la quiétude d'un bon nombre d'habitants du Nord. La première, à Ablain-Saint-Nazaire, tourna sur elle-même et dégagea une lueur rougeâtre. Le second, dans le ciel de Liévin, plana quelques minutes, avant de se partager en deux. C'est alors que, la partie supérieure restant immobile, l'autre atterrit dans un champ entre deux meules, puis soudain, s'envola pour se rattacher à la partie restée en l'air!...
Il faisait nuit à Montecreau-Villebois-Lavalette (Charente) lorsque M. Jean Allary, 22 ans, aperçut, à la lueur du phare de son cyclomoteur, une sorte de tonneau haut de 1m80 et piqué de clous dorés! Il se balançait sur le bord de la route et s'enfuit quand le témoin approcha. Le lendemain, à l'endroit même indiqué par M. Allary, des témoins ont repéré des traces d'environ sept mètres de longueur dans l'herbe qui borde la route.
Ce sont les Clermontois qui ont, aujourd'hui, le mot de la fin avec la grosse étoile passant du blanc au vert et du jaune au rouge qui, animée d'un mouvement rotatif, laissa derrière elle un panache orange, lundi soir, vers 19 heures dans le ciel de Clermont-Ferrand.
Ces phénomènes célestes donnent lieu, nous l'avons dit, à des controverses passionnées. Ainsi; un professeur de l'Université de Bonn, Joseph Meurès, a déclaré au cours d'une conférence: "Le livre de l'auteur américain Key Hoc [sic, Keyhoe]sur les soucoupes volantes ne vaut même pas le papier sur lequel il a été imprimé". M. Duneau Fletcher, vice-président de l'Association Astronomique du Kenya est d'un tout autre avis: "L'existence des soucoupes" n'est pas à mettre en doute, estime-t-il, des observateurs très expérimentés en ont vu aux quatre coins du globe. Et M. Fletcher donne sa petite idée sur la question: "Des visiteurs d'un autre monde observent la Terre et en dressent probablement la carte géographique".
Ces savantes remarques n'empêchent par les farceurs de s'amuser à bon compte aux dépens de leurs concitoyens. Les gendarmes viennent ainsi de mettre fin au passe-temps d'un retraité de Beuvry-lès-Bethune qui fabriquait des engins de trois mètres de diamètre avec des feuilles de papier fort soigneusement collées et disposait à leur base un petit réceptable contenant une touffe d'étoupe imbibée d'un liquide inflammable. Dès qu'il mettait le feu à l'étoupe, la "soucoupe" s'élevait dans le ciel et disparaissait au gré des vents avec des reflets jaunes, oranges et rouges. Hélas! le pot aux roses fut découvert quand un engin commença à mettre le feu à une meule de paille...