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La vague française de 1954:

La page d'accueil concernant les cas de la vague française de 1954 se trouve ici.

Le "Lit-Cage Volant":

Lors de la vague de "soucoupes" et "cigares" volants en France en 1954, on retrouvait dans la presse des allusions ou des descriptions d'un engin volant britannique que la presse désignait comme le "Lit-Cage volant".

Cette page explique ce dont il s'agissait.

La plupart des journaux l'expliquaient correctement, par exemple via ce communiqué et photo de l'Agence France Presse:

Scan.

A l'inauguration de la "Foire aérienne" de Farnborough, le ministre britannique des communications avait révélé l'existence d'un engin mystérieux, dépourvu d'ailes, décollant et atterrissant à la verticale, se déplaçant dans tous les sens, et mû par la force dirigée de ses réacteurs. Surnommé le "lit-cage volant", c'est jeudi seulement que les autorités aériennes anglaises ont permis la diffusion de la première image de cet appareil volant.

(A.F.P.)

La flèche, sur le cliché, indique l'emplacement des réacteurs.

Les premières informations sur le "Lit-cage volant" dans la presse française sortent le 9 septembre 1954 (p. ex. La Croix, page 6), la veille des cas "fondateurs" de Quarouble et de Mouriéras selon leurs témoins, ce qui peut laisser songeur, voire suggérer une inspiration!

Idée séduisante à première vue, mais cela ne saurait être aussi simple: dans le cas de Quarouble, le témoin, qu'il mente ou dise vrai, ne décrit pas des pilotes humains et "l'engin" ne ressemble pas au "lit-cage volant"; dans le cas de Mouriéras, le témoin décrit bien un pilote humain - l'engin est fort peu décrit - mais pourquoi n'aurait-il pas alors utilisé la publicité autour du "Lit-cage volant" comme "corroboration" de son aventure, s'il l'avait connu?

Certaines sources de presse avaient fantasmé beaucoup sur l'engin dès septembre 1954, présentant des dessins for peu ressemblant à la réalité. Ainsi dans Paris-Presse du 9 septembre 1954 en page 10:

Scan.

La presse britannique enthousiaste

NOUS AVONS CONSTRUIT LA
MERVEILLE SANS AILES

Un engin à quatre jambes et deux genoux

"Nous avons construit la première soucoupe volante; cette machine place la Grande-Bretagne à la tête de l'aéronautique mondiale." (Daily Mail). "La Grande-Bretagne l'emporte de nouveau; notre pays a résolu le plus important problème de l'aviation depuis le premier vol des frères Wright en 1903". (News Chronicle.)

"La Grande-Bretagne marque un nouveau point. Cette fois, nous avons construit la merveille sans ailes et fait du décollage vertical une réalité." (Daily Herald).

La déclaration du ministre Duncan Sandys, révélant l'existence en Angleterre de cet appareil à réaction sans ailes a provoqué dans la presse britannique un déchaînement d'enthousiasme. Le coup porté au prestige des ailes britanniques par les accidents répétés des "Comets" est oublié au profit de cette étrange aéronef que plusieurs journaux appellent simplement "la Chose".

"C'est le plus fantastique engin martien que l'on puisse imaginer, mais il vole", confie un pilote d'essai. Il possède trois réacteurs, quatre jambes et deux genoux. En fait l'appareil est encore dans la catégorie "ultra-secret" et on en sait peu de choses.

Vingt mètres à la verticale

Surnommé par ses constructeurs le "lit-cage volant", le nouvel appareil serait simplement constitué par une carcasse métallique de 6 mètres sur 3 environ, supportant deux réacteurs "Avon" placés à l'arrière. Les réacteurs sont disposés bout à bout et les gaz d'échappement passent dans deux tuyères dirigées vers le sol.

Des volets permettent d'orienter la poussée des gaz, si bien que l'engin peut s'élever selon divers angles, avancer, reculer, se déplacer latéralement etc. D'après le capitaine Shepperd, le pilote chargé d'essayer l'engin, "la Chose" est d'une étonnante maniabilité et se manoeuvre, malgré ses trois tonnes, avec la légèreté d'une plume.

Depuis près d'un an déjà les ingénieurs de Rolls-Royce procèdent aux essais de cet appareil sur le terrain de Hucknall. [...]

[Légende dessin]: La "Merveille sans ailes", telle que se la représente le dessinateur du "Daily Herald", pourrait aussi bien être descendue de Mars, affirme ce journal.

Les dessins, fantasques parce que l'engin n'avait pas encore été montré, provenaient de la presse Britannique, voici celui que publiait le journal La Bourgogne Républicaine:

Scan.

J'ai trouvé les premières photos authentiques de l'engin dans Paris-Presse du 25 septembre 1954 en page 1.

Certaines sources de presse, certains magazines, tempéraient vite les fantasmes que la chose pourraient susciter:

Scan.

Voici quelques semaines, la presse a découvert avec stupeur et enthousiasme le "lit cage volant" présenté par les Anglais. Pourtant, il ne s'agissait que d'un bon outil d'expérience (deux réacteurs assemblée, leurs jets dirigés vers le sol) destiné à étudier le décollage vertical. Pour la première fois, le public s'avisait qu'un avion peut voler sans ailes.

Toutefois, dans certains journaux, on faisait le rapprochement avec les "soucoupes volantes", comme par exemple dans Le Progrès du Nord du 1er octobre 1954:

Scan.

"Lit cage",
"béquilles"
et "tasse de thé"

Il faut bien encore en parler puisqu'on en voit de tous les côtés.

Et dire que pareille aventure ne met pas encore arrivée! C'est donc qu'elles ne fréquentent pas le pays des fées et des nains?

Eh bien! quand même ces petits rapprochements:

Une dépêche de Londres du 23 septembre:

"Les experts de l'aéronautique ont été abasourdis par la première photographie officielle d'un nouvel avion à réaction appelé le "Lit-cage volant".

"Appareil sans ailes... décollant verticalement... munis de quatre longues béquilles... lui donnent une allure de bois de lit démodé... se pose comme une tasse de thé"

Avec sa soucoupe sans doute?

[...], ce décollage vertical, et surtout ces "longues béquilles", il me semble bien que j'ai déjà entendu parler de cela avant la publication de la dépêche de Londres?

Ca se passait même du côté de Quarouble ou de la Corrèze.

Et j'ai même dû, à ce propos, parlé de simples aviateurs plus ou moins "bien de chez nous" dans un avion plus ou moins ordinaire!

Le mystère n'est pas toujours où on le croit.

On constate que l'auteur du billet croit avoir trouvé la solution d'au moins deux cas "fameux" en France de l'automne de 1954.

Le "lit-cage" ne correspond en rien aux descriptions des "engins" allégués de ces deux cas; mais il faut bien reconnaître que dans le contexte de l'époque, il n'y avait rien de honteux à faire ce "rapprochement". Avec le recul et en consultant mon catalogue, on verra bien que de simples hélicoptères bien ordinaires suffisaient à expliquer nombre de cas. On verra bien que plusieurs "fameux" cas d'atterrissages prétendument "extraterrestres" pour nombre d'ufologues impliquaient clairement des "occupants" bien humains. Comme dans l'ensemble de l'histoire de l'ufologie, des méprises générées par des engins bien humains ont eu lieu, sans qu'il y ait besoin de faire appel à des "engins secrets", lesquels ne sont quasiment jamais à l'origine de telles méprises, pour des raisons bien simples:

  1. Tester des "engins secrets" ailleurs qu'en des zones protégées des regards aurait été parfaitement stupide.
  2. Les "engins" sont "secrets" essentiellement quand ils ne sont pas encore opérationnels, quand ils ne sont que des prototypes, qui souvent ne débouchent sur rien. Invoquer un "engin secret" des décennies plus tard ne saurait se faire qu'en s'informant sur l'aboutissement ou l'abandon du dit engin.
  3. Les performances attribuées à des "engins secrets" sont souvent fantasmées; entre ce que le secret protège et ce que des gens se mettent en tête, il peu y avoir un gouffre.

Aucun ufologue à ma connaissance n'a jamais suggéré que le "Lit-cage volant" expliquerait ne serait-ce qu'un seul cas de la vague de 1954 en France.

La réalité, concernant le "Lit cage volant", est comme suit:

Le "Lit cage volant" existait; c'était le surnom français du "Flying Bedstead" dont le nom officiel était "le Rolls-Royce Thrust-Measuring Rig (TMR)".

C'était un avion expérimental qui a volé pour la première fois le 2 août 1954 pour tester le concept VTOL (décollage et atterrissage verticaux).

C'était le premier avion VTOL à réaction. Il était équipé de deux moteurs à réaction Rolls-Royce MK4 Nene, qui étaient des moteurs standard modifiés uniquement par un système de sortie d'air qui permettait à 10% de l'air du compresseur du moteur de s'échapper pour le contrôle de la plate-forme.

Il était soutenu par quatre pieds hydrauliques. Une plate-forme à travers la structure au-dessus des moteurs avait un siège boulonné à celle-ci avec une colonne de commande de type classique et des pédales qui actionnaient des soupapes de commande à partir de la boîte de collecte du système de purge d'air du compresseur du moteur. L'engin était contrôlé en purgeant l'air du moteur à travers les soupapes de commande vers des tuyaux diamétralement opposés, chacun équipé d'une buse pouvant pivoter à 30° dans les deux sens pour faire tourner la plate-forme à gauche ou à droite. Les vannes de commande étaient également interconnectées à la colonne de commande afin que le mouvement de la colonne restreigne le flux d'air vers les buses, réduisant ainsi la poussée et contrôlant la direction dans laquelle la plate-forme irait.

Le rapport poussée / poids de la plate-forme était l'essentiel: tout avion à décollage vertical (VTOL) doit avoir une poussée moteur supérieure à son poids total. Ce dernier a été minimisé afin de conserver un avantage de poussée de 25%. Chaque moteur a fourni une poussée de 3850 livres, qui, ajoutée à la poussée de 325 livres de chacune des buses de purge, fournissait une poussée totale disponible de 8350 livre. Cela comparé au poids total de la plate-forme, avec pilote et plein de carburant réservoirs, de 7196 livres, permettait l'envol vertical; la durée totale de fonctionnement était d'environ 15 minutes.

Le premier prototype, appelé XA314, a effectué un premier essai au sol le 3 juillet 1953, avant de tenter de décoller pour la première fois le 6 juillet 1953, piloté par le commandant d'escadron Harvey Hayworth, pilote d'essai en chef de Rolls Royce. La plate-forme ne s'est soulevée que sur toute l'étendue des jambes hydrauliques afin que les roues ne quittent pas réellement le sol.

Avec des câbles attachés de chaque côté et au-dessus de la plate-forme, il a été testé à nouveau le 19 novembre 1953, pour des modifications approfondies et une inspection de révision des moteurs. La plupart des tests ont été effectués à l'usine Rolls Royce de Hucknall.

Après plusieurs mois dans les ateliers, l'engin a effectué un vol captif à Derby, effectué pour tester les modifications. Celles-ci ont eu un tel succès que les préparatifs ont été faits pour le premier vol libre; qui eut lieu le 3 août 1954 avec le capitaine Ron Shepherd comme pilote, devant un public distingué. L'engin s'est élevé lentement dans les airs et a été maintenu en position stationnaire. Il s'est ensuite déplacé vers l'avant, a fait un tour de la zone d'essai et a démontré des mouvements latéraux et arrière avant d'atterrir avec succès. Au cours des quatre mois suivants, un certain nombre de vols libres ont été effectués, tous à une hauteur de 13 à 15 pieds, mais un vol a été effectué jusqu'à 50 pieds pour s'assurer qu'il n'y avait aucun effet de sol influençant la plate-forme. Le dernier vol a eu lieu le 15 décembre 1954.

Ensuite, il a été transféré par avion de Derby à Farnborough, et montré à la presse. Il semble qu'il a également été montré lors d'un show aérien à l'aérodrome de Gatwick en 1954.

Il n'a jamais volé en France.

Une deuxième plate-forme a été construite mais s'est écrasée le 28 novembre 1957, près de Nottingham, tuant le pilote, et les tests ont cessé par la suite.

Cependant, le concept VTOL est devenu un succès plus tard, lorsque le P.1127 "Harrier", testé à partir den 1960, a été construit par Hawker Siddeley et qu'environ 800 d'entre eux ont été mis en service dans la Royal Air Force, la Royal Navy et d'autres pays:

Hawker Siddeley Harrier

Le Harrier, cependant, utilisait un système de propulsion assez différent.

Une bonne source concernant le "Rolls-Royce Thrust-Measuring Rig" est à http://naca.central.cranfield.ac.uk/reports/arc/rm/3336.pdf

Bien sûr, la France avait aussi des projets d'avions VTOL: mais c'est une autre histoire, et ce n'est pas non plus la solution au moindre cas de la vague française de 1954.

Historique du document:

Version: Créé/changé par: Date: Description:
1.0 Patrick Gross 15 février 2021 Première publication.

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Cette page a été mise à jour le 15 février 2021.