L'article ci-dessous est paru dans le quotidien Nord-Eclair, Roubaix, Nord, France, page 10, le 6 octobre 1954.
Des centaines d'habitants de la région avez vu ces engins étranges
LE mystère des soucoupes, disque et cigares volants, vient-il d'être éclairci par la découverte faite, hier, à Beuvry-les-Béthune, de ce brave Portugais qui passait le meilleur de son temps à confectionner des énormes baudruches en papier pour le plaisir de les faire monter dans l'espace suivant le principe même qui donna naissance à l'aérostation?
Sans doute les dizaines de montgolfières qu'il a ainsi "expédiées" ces derniers temps peuvent-elles compter parmi celles que des habitants de notre région ont pris pour des soucoupes ou des cigares volants. Mais elles ne peuvent donner, semble-t-il, une explication satisfaisantes et entière à tous les objets lumineux qui ont pu être observés dans d'autres régions que la nôtre.
Peut-on dire, en effet, qu'il s'agit partout de montgolfières confectionnées par les mains d'un "terrien".
En tout cas un éclat de rire ne manquera pas de retentir dans la région du nord quand chacun lira aujourd'hui dans son journal que certaines de ces soucoupes ou de ces cigares vus par les gens de chez nous, n'étaient que de vulgaires montgolfières fabriquées avec beaucoup de soin et d'art par un portugais de Beuvry-les-Béthune.
"J'en ai fabriqué des milliers..."
Comme beaucoup de journalistes du Nord et de Paris, nous avons couru vers Beuvry lorsque, hier matin, la nouvelle nous est parvenue. Dans l'arrière-boutique d'une petite épicerie, route Nationale, nous y avons trouvé le "responsable" sympathique et jovial. Il nous a reçus avec bonhomie, s'offrant à répondre à toutes nos questions et se prêtant volontiers à nos demandes d'expériences!
Il s'agit de M. Victor d'Oliveira, 40 ans, ancien ouvrier à la Centrale électrique de Beuvry. Ancien combattant portugais, il a participé aux combats de la Couture où chaque année ses compatriotes viennent en nombre célébrer l'anniversaire de la bataille de la Lys. Après la guerre il regagna sa patrie et revint en France, en 1922, pour s'établir à Beuvry.
Gai comme le sont bien sûr tous les Portugais, il participait à toutes les fêtes locales. Il excellait dans la confection des ballons en papier qu'il faisait partir le jour des ducasses ou le jour de la fête du 14 juillet. Les commandes affluaient.
"J'en a fait des milliers, nous a-t-il dit et jamais on ne les a prises pour des soucoupes... Il faut dire qu'alors ça ne parlait pas de soucoupes. J'en ai fait de toutes dimensions, de 3 mètres et même de 6 mètres de haut. Un certain 14 juillet, j'en ai confectionné de superbes, bleu, blanc, rouge, du plus bel effet.
Dans son petit "gourbi" M. d'Oliveira nous montre une montgolfière pliée en accordéon, quasi prête pour l'envol. Sur nos instances, il nous démontre son fonctionnement et consentit à le gonfler. Dans un pot de terre, il plaça quelques journaux auxquels il mit le feu et le ballon ne tarda pas à se développer. Il prit vite la forme d'un ovale ou d'un cigare. Il arrête là ses expériences car il n'avait pas l'intention, nous a-t-il dit, de faire de nouvelles [?], Il y en a eu assez comme cela, dit-il en riant.
A la base de chaque "soucoupe" se trouvait un petit réceptacle dans lequel reposait une touffe d'étoupe imbibée d'un liquide inflammable. Il suffisait d'enflammer l'étoupe pour voir l'engin s'élever et disparaître au gré des vents, entouré de reflets jaunâtres et orange...
Mystère éclairci
Il nous reste à dire comment fut découvert le plaisantin.
Il y a quelques jours, Mme Hennebelle, demeurant rue de Béthune, à Sailly-la-Bourse, voyait dans le ciel, à 300 mètres de haut environ un engin lumineux sur les parois duquel se profilait trois ombres. Elle appela son mari et sa fille ainsi que son voisin qui a leur tour constatèrent la présence dans le ciel de ce mystérieux engin. Ils le suivirent quelques instants des yeux lorsque le bolide de feu s'étant éteint, ils virent une masse sombre tomber en verticale dans un pré voisin. Les deux hommes se précipitèrent vers le point de chute et s'aperçurent il s'agissait d'une immense baudruche de papier contenant à l'intérieur un faisceau de trois fils de fer auquel était accrochée une étoupe faite de chiffons.
Le garde-champêtre fut prévenu et le commissariat de Beuvry informé. Il n'y avait qu'un homme dans la région spécialiste de montgolfières, c'était Victor d'Oliveira. Il sera certainement poursuivi pour… amusements dangereux.
J. P.