L'article ci-dessous est paru dans le quotidien Le Nouveau Nord Maritime, France, page 2, le 7 octobre 1954.
Les soucoupes se suivent et se ressemblent dans une certaine mesure, et lorsqu'un phénomène est signalé dans plusieurs régions, à peu près vers la même heure et décrit en des termes analogues, on ne peut le taxer de création de l'esprit ou d'hallucination collective. Mais plusieurs témoignages concordants ne suffisent pas non plus à donner une "explication" absolument irréfutable, nous n'avons jamais prétendu donner une signification aux divers phénomènes rangés sous le vocable "soucoupe", laissant ce soin aux sommités scientifiques et attendant qu'un fait précis et matériellement contrôlable ait permis d'étayer solidement l'une des diverses thèses en présence. Pour l'instant, il est plus sage d'enregistrer en toute objectivité les déclarations des personnes qui assurent avoir observé un phénomène quelconque, sans prétendre qu'elles n'aient pu être l'objet d'une erreur.
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Nous donnions hier la relation faite par une personne digne de foi, d'un phénomène observé au-dessus de Bray-Dunes le 2 septembre. Nous indiquions également qu'un fait curieux avait été observé dans la soirée de Dimanche dernier 3 octobre, au-dessus du Boulonnais. Il s'agissait d'un objet arrondi, de teintes allant de l'orangé au rouge sombre et qui s'était déformé, s'allongeant verticalement, en forme de cigare pour ensuite se diviser en deux parties et disparaître.
Les quotidiens régionaux relataient Lundi un phénomène du même genre qui avait été observé par de nombreuses personnes, y compris des gendarmes, dans les régions de Lille et Valenciennes, notamment à Armentières, à Marcoing, à Noyelles-sur-l'Escaut, à Escaudoeuvres, etc...
Les heures signalées varient entre 20 h. 15 et 20 h. 30; il s'agissait vraisemblablement d'un seul et même phénomène observés dans toute la région du Nord et cette hypothèse est confirmée par la visite que nous rendait ce mercredi matin une jeune dame, épouse d'un interprète de la navigation, et domiciliée quai des Hollandais.
Cette personne qui semblait encore sous le coup d'une vive émotion, nous raconta que Dimanche, vers 20 h. 10, alors qu'elle regagnait son domicile et accompagné de ses deux enfants, 12 et 10 ans, et qu'elle se trouvait rue des Bassins, se dirigeant vers le quai, son petit garçon s'écria soudain: "Regarde maman, qu'est-ce que c'est que ça?".
"Ça", c'était quelque chose de vaguement ovale, d'immobile, d'une couleur allant du rouge sombre au centre au rouge orangé sur le pourtour et barré comme par une anse, en son milieu.
"- Mais c'est la Lune!"
"- As-tu déjà vu une lune plate?"
Observant plus attentivement, Mme X. se trouva qu'effectivement cette lune avait une forme bizarre; puis soudain, cela se transforma d'une manière inexplicable en une chose allongée verticalement, comme s'il s'était agi d'un corps mou. À l'intérieur de ce contour, ressemblant assez à celui d'un cigare, il y avait des "choses", des reflets noirâtres, bleu marine. Mme X pressa le pas pour atteindre son domicile et appeler son mari qui devait être rentré un peu avant elle; lorsqu'il sortit, ce dernier vit aussi la chose, en forme de cigare mais qui semblait s'être éloignée vers l'Ouest. La première réflection du mari fut "Mais c'est un ballon de barrage!", explications que son épouse rejeta avec autorité.
Et puis, quelques instants plus tard nouvelle transformation: le cigare se divisa en deux parties arrondies et tout disparu au fond du ciel.
La soirée était calme et douce, le ciel était assez dégagé et quelques étoiles étaient visibles; le tout avait duré peut-être cinq ou six minutes, et sans aucun accompagnement de bruit, ou d'une quelconque lueur de fumée.
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Nature nerveuse, influençable, notre interlocutrice nous semblait avoir été vivement impressionné; de tels phénomènes, si grande que soit l'incertitude où l'on soit à leur égard, ne doivent pas pourtant nous effrayer, et nous croyons raisonnablement qu'en aucun des cas signalés, il ne peut s'agir de manifestations d'être venus d'autres mondes.
Nous ne sommes pas très éloignés de l'opinion du professeur Antoine Bonte, professeur de géologie appliquée à la faculté de Lille et qui pensent que 90% des cas peuvent être expliqués : interrogé au sujet du phénomène de Dimanche soir qu'il avait aussi observé, M. Bonte a déclaré qu'il s'agissait tout simplement de la Lune, dont l'éclat était rendu rougeâtre par une zone brumeuse et dont l'image avait été plusieurs fois déformé par le jeu des nuages, pour être finalement divisée en deux par un stratus.
La thèse parait fort recevable et peut-être les témoins du phénomène, y compris notre compatriote du quai des Hollandais reconnaîtront-t-il, à la réflexion, qu'il pouvait s'agir de la lune.
La controverse peut être alimentée à perte de vue et de salive, et il est certain qu'à l'époque des expériences atomiques, et des avions supersoniques, le ciel tourmenté est le siège de phénomènes de plus en plus variées et curieux.
Mais nous conclurons en affirmant, comme l'apprenti forgeron qui venait de s'en flanquer un bon coup sur les phalanges: "il n'y a vraiment pas de quoi se frapper".