L'article ci-dessous est paru dans le quotidien régional Le Courrier Picard, France, page 3, le 6 novembre 1954.
L'intérêt qu'une grande partie de la population porte aux engins inconnus qui - soi-disant - sillonnent notre ciel depuis plusieurs nuits, nous a incité à solliciter l'avis le plus autorisé en la matière, celui d'un astronome, d'un de ces savants silencieux qui passent leur temps à scruter d'imperceptibles points perdus dans l'immensité du firmament.
Nous sommes donc allés à Warloy-Baillon pour interroger le "défricheur de l'infini" qu'est M. d'Halluin, dont le sérieux et l'érudition constituaient pour nous et pour nos lecteurs les plus sûres garanties.
Lorsque nous avons, dès le début de la conversation, lancé le mot fatidique - soucoupe - notre interlocuteur a souri. Il s'attendait évidemment à ce que le sujet de l'entretien roulât sur ce point de brûlante actualité. Chaque jour, d'ailleurs, dans Warloy-Baillon, on le questionne sur les prétendus engins interstellaires.
M. d'Halluin nous répondit donc, comme il l'a sans doute déjà fait de nombreuses fois, qu'il n'avait jamais eu personnellement l'occasion d'observer ce que le commun des mortels désigne par le terme de soucoupe. "Et pourtant, ajouta-t-il, chaque soir, lorsque le temps le permet, je suis dans mon petit observatoire, pour étudier les astres. En outre, dans le courant de la journée, j'ai bien souvent le nez en l'air pour des observations météorologiques banales."
Questionné sur l'opinion des astronomes en général, M. d'Halluin nous répondit qu'il apparaissait qu'aucun de ses collègues n'avait jusqu'alors, signalé "d'objet insolites" dans le ciel. Les revues spécialisées ne font mention de rien [*] et semblent même ignorer complètement le sujet... sauf dans la page réservée à l'humour!
Mais de là à affirmer qu'il s'agit d'un canular à répétition, d'hallucinations, ou d'interprétations fantaisistes, il y a un grand pas que notre interlocuteur se refuse à franchir. Lui, astronome, n'a rien vu, mais il ne met pas en doute la parole de ses concitoyens picards. Il admet une foule d'hypothèses: fumées ou déchets de combustion d'avions à réaction, engins secrets de puissances terrestres, ballons-sondes, etc...
Quant à l'origine sidérale des "objets" aperçus, M. d'Halluin est sceptique, très sceptique même. Les histoires de Martiens velus coiffés de toques oranges le font sourire.
Mais en vrai savant, il ne limite pas son horizon (c'est le cas de le dire) et admet qu'il peut exister des êtres vivants sur d'autres planètes, connues ou inconnues de nous, ou même faisant partie d'autres systèmes solaires. Il n'y a pas définition de limite à l'infini... [sic]
Quoi qu'il en soit, le distingué astronome ne paraît nullement alarmé à l'idée d'une invasion martienne.
"Si les Martiens avaient voulu venir chez nous, ajoute-t-il en plaisantant, ils auraient dû s'y prendre plus tôt, car leur planète par définition de limite à l'infini [sic] relatif!) fin juin et début juillet Je l'ai d'ailleurs observée dans ma lunette, assez mal, je le reconnais, car elle apparaissait à une faible hauteur au-dessus de la ligne d'horizon.
"Si vous voulez l'admirer tout à votre aise venez en septembre 1958 car elle sera encore plus près de nous et plus à la verticale. Ayant une plus faible couche d'atmosphère à traverse, nous la verrons donc mieux.
Quant à Vénus, notre voisine, elle vient à notre rencontre et la distance qui la sépare de nous sera à son minimum le 14 novembre, dans quelques jours."
Nous envisageons ensuite l'hypothèse des "soucoupes d'électrons" qui ont tenu la vedette dans ces colonnes il y a deux jours.
Là, M. d'Halluin est formel: le soleil peut, eb effet, émettre des masses d'électrons, mais ce phénomène n'est constaté que lorsque l'astre éblouissant porte des taches sombres... ce qui arrive tous les onze ans! Et actuellement nous sommes dans une zone calme.
La tranquillité semble d'ailleurs régner partout au sein des espaces intersidéraux et s'il ne lisait chaque jour son "Courrier Picard" M. d'Halluin serait surpris d'apprendre au cours de cet entretien, que certains y constatent un remue-ménage indescriptible et que de gigantesques scènes de ménage y font virevolter toute la "vaisselle".
***
Nous en arrivons presque à douter du témoignage de tous ceux qui au cours des semaines passées, nous avaient déclaré voir vu "quelque chose", lorsque, quelques instants après avoir quitté M. d'Halluin, nous nous trouvâmes en présence de nouvelles déclarations dignes de foi.
Nous ne pouvons que les transcrire ici, en laissant à nos lecteurs le soin de juger.
Donc, jeudi matin, une habitante du quartier Sainte-Anne, à Amiens, a aperçu, nous a-t-elle déclaré, un disque éblouissant qui évoluait dans le ciel à haute altitude.
- A Carrepuis, MM. Loffroy maire et Butin instituteur, ont vu hier, à 0 h. 20, une boule rouge qui se déplaçait dans le ciel en direction d'Amiens.
D'autre part, deux ouvriers de l'entreprise Delprat, d'Albert, venant, l'un de Marcelcave, l'autre d'Ignaucourt, se rendaient, avant-hier, à leur travail à Moreuil, vers 7 heures du matin, lorsque, passant dans le bois de Moreuil, ils eurent la surprise d'apercevoir à une certaine hauteur dans le ciel, un globe lumineux de teinte jaune d'environ 2 mètres de diamètre.
Celui-ci, après être resté quelques minutes en l'air, a brusquement piqué vers le sol, disparaissant derrière la cime des arbres en laissant sur son passage une traînée phosphorescente.
Les deux hommes, sceptiques auparavant, sont maintenant convaincus "qu'il y a quelque chose".
Et le dossier des soucoupes grossit toujours.
[*] Inexact, voir par exemple: