L'article ci-dessous est paru dans le quotidien La Croix du Nord, Lille, Pas-de-Calais, France, pages et 8, le 6 octobre 1954.
Les biens fâcheux concours de circonstances qui avaient jusqu'à présent privé les journalistes d'accrocher, eux aussi, "leur" soucoupe ou "leur" cigare au registre des faits divers et des souvenirs personnels viennent d'être balayés comme fétu par le vent. J'ai vu un cigare volant qui, la nuit, accuse la fameuse lueur rouge... Je l'ai palpé sous toutes les coutures et même participé au gonflement d'un de ces engins que d'aucuns assurent venir d'une autre planète. Ce n'est ni une histoire de fous, ni même une débauche de l'imagination après la lecture de quelque roman d'anticipation. Point n'est besoin de se pincer pour se convaincre de la réalité de la chose. La clarté des évidences aurait frappé les esprits les plus sceptiques et les plus réticents à l'hypothèse d'une exploration de la terre par certains voyageurs de l'espace.
C'est une longue, une fort longue histoire dont le point de départ se situe au Portugal au début de ce siècle. H. C. [sic, G.] Wells, l'auteur de "La Guerre des Mondes" n'avait encore la moindre conscience de son avance sur le Futur... En fait de machines volantes, Clément Ader et les frères Wright tentaient seulement de donner une application pratique aux théories du "plus lourd que l'air"...
Dans un petit village portugais, quand le vent léger venant de la mer s'apaisait, un jeune garçon Victor Oliveira fabriquait des "Montgolfières" qu'il gonflait ensuite à l'air chaud... Le principe bien connu du plus léger que l'air faisait s'envoler ces gracieuses enveloppes, qui dérivaient suivant les caprices du vent.
Arrivé en France peu avant la guerre de 1914, M. Oliveira combattit bravement ai pris part aux engagements de La Couture. Après un court séjour au Portugal, il s'installait en 1922, à Beuvry-les-Béthune. Il occupa jusqu'à sa retraite, en décembre dernier, le poste de conducteur de brûleur à la Centrale Electrique de Beuvry.
Cependant, le passe-temps favori de ses jeunes années ne subit pas le phénomènes bien connu de désaffection dont souffrent les collections de timbres, par exemple, quand vient l'adolescence. Marié, entouré
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M. Antoine Bonte, ingénieur I.D.N., professeur de Géologie appliquée à la Faculté des Sciences de Lille, a bien voulu nous fournir une explication scientifique du phénomène observé par des dizaines de personnes, dimanche soir, dans notre région. Il nous écrit: "J'attendais avec impatience le journal de ce matin et j'ai éprouvé un vif plaisir à la lecture des récits de vos correspondants; car, dimanche soir, j'ai vu aussi "la soucoupe volante".
"Les descriptions qui en sont données concordent en tout point avec mes observations personnelles. Seulement je ne suis pas d'accord sur leur interprétation car, en l'occurrence, il s'agissait tout simplement d'un coucher de lune.
"Dimanche, à la tombée de la nuit, la lune brillait par temps clair sous forme d'abord de croissant. Plus tard, elle disparaissait dans la zone brumeuse qui surmontait l'horizon, pour réapparaître quelques instants, rougeâtre est déformée - ce qui est normal à ce niveau - et barrée d'un trait en passant derrière un stratus. Enfin elle s'estompait définitivement en rentrant à nouveau dans les nuages.
"Il s'agit donc, dans ce cas particulier, d'un phénomène tout à fait banal et auquel nos pères n'auraient même pas prêté attention.
"D'ailleurs, dans la plupart des autres cas, il s'agit de phénomènes analogues ainsi que j'ai pu le constater à plusieurs reprises. La psychose des soucoupes volantes est un phénomène d'hallucination collective qui répond à un besoin naturel de merveilleux entretenu par une presse à gros tirage et alimenté par toute une catégorie d'illustrés pour enfants ou... adultes. Les descriptions des soi-disant Martiens sont tellement proches des scaphandres à la Tintin qu'on ne peut s'empêcher d'en sourire.
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en sixième colonne, sous le titre
"SOUCOUPES"
"Si vraiment les Martiens - à supposer qu'ils existent - devaient nous rendre visite, croyez-vous qu'ils auraient exactement notre constitution physique, qu'ils utiliseraient des appareils et des vêtements analogues à ceux qui ont été conçus par nos ingénieurs ou qui n'ont vu le jour que dans l'imagination débordante des auteurs de romans d'anticipation: croyez-vous surtout que la nature et le degré de leur évolution scientifique puissent être analogues aux nôtres. Que de coïncidences et d'invraisemblances!
"Heureux journalistes qui n'avez pas vu votre soucoupe volante! Consolez-vous en pensant que, pour les lecteurs sérieux, c'est une garantie d'honnêteté et d'objectivité. Mais faites plus, en n'accueillant qu'avec un scepticisme non déguisé les témoignages des correspondants en-qui-on-peut-avoir-confiance, de bonne-foi ou qui préfèrent garder l'anonymat. Il est même de votre devoir de lutter contre cet affaiblissement de l'esprit critique qui caractérise notre époque de culture universelle mais par trop superficielle".
Dans une étude qu'il a eu l'amabilité de nous communiquer, M. Bonte examine également plusieurs cas de phénomènes célestes signalés ces dernières années et donne pour chacun une explication dont on appréciera la solidité. Il démontre que la majorité des prétendues soucoupes volantes sont des phénomènes naturels qui se produisent à haute altitude. Il a notamment observé et photographiée, dans la région de Lons-le-Saulnier, "une traînée lumineuse rouge orange et se détachant nettement sur le fond sombre du ciel. Cette traînée était issue d'un point qui se déplaçait lentement du sud vers le nord dans la partie du ciel situé à l'ouest de Lons-le-Saulnier.
"Les témoins de ce spectacle auraient volontiers vu dans ce météore une manifestation de soucoupe volante; ils se sont ralliés sans hésitation à mon explication.
"Il s'agissait en l'occurrence du sillage d'un avion à réaction se déplaçant à grande altitude et à grande distance, d'où la lenteur apparente de la traînée lumineuse et l'absence du vrombissement caractéristique. La couleur rouge du sillage était due simplement à l'altitude de l'avion qui était encore éclairé par le soleil, alors que celui-ci était pour nous couché depuis longtemps. Tout le monde a vu des stratus colorés en rouge au-dessus de l'horizon après la disparition du soleil, ce qui correspond évidemment au même phénomène".
"... Il y a d'ailleurs d'autres phénomènes qui, ignorés des non initiés ou même des spécialistes, ont accrédité la légende des soucoupes volantes... Le Directeur de la station météorologique d'Alger a révélé que les prétendues soucoupes observées dans cette région n'étaient autre que des ballons sondes munis d'un dispositif lumineux; les courants régnant dans la haute atmosphère faisait évoluer ces engins de façon apparemment déconcertante.
"L'éclairement des nuages par des sources lumineuses puissantes peut donner lieu aussi à des évolutions ahurissantes d'objets brillants. L'intersection du faisceau lumineux avec la surface d'un nuage peut donner des images de toutes formes depuis le cercle jusqu'à des ellipses plus ou moins allongées, les images pouvant être uniformément brillante ou, au contraire, sombres au centre, et vivement éclairées sur les bords. Ce phénomène pourrait expliquer la rapidité extraordinaire de certaines "soucoupes" et leurs changements instantanés de direction, caractèrea rapportés par certains observateurs.
"Dernièrement, un physicien américain, M. W, Scott, a démontré qu'il était possible de produire artificiellement en laboratoire des météores analogues aux soucoupes volantes, sous l'aspect de sphères entourées d'anneaux brillants. Ce phénomène n'est pas sans analogie avec les anneaux qui se produisent lorsqu'on fait passer des bouffées de fumée à travers un orifice circulaire, et tous les fumeurs se sont amusés à "faire des ronds" avec la bouche. Les expériences atomiques ne sont peut-être pas étrangères à la formation de météores jusqu'ici inconnus.
"L'expérience de Scott a été critiquée par le professeur G. Ray Watt, de l'institut Carnégie [sic, Carnegy] de Washington, qui prétend que les conditions nécessaires à la formation de ces anneaux n'existent pas dans la haute atmosphère. La météorologie est cependant une science bien jeune pour autoriser de telles assertions: l'atmosphère normale n'est déjà pas si bien connue, à plus forte raison la haute atmosphère.
"L'argument le plus important pour démontrer l'inanité des soucoupes volantes est certainement cette information qui nous vient d'Amérique. Une formation de soucoupes volantes ayant été signalée dans le ciel de Washington, les bases aériennes d'Andrews et de Ballingfields reçoivent l'ordre de les intercepter à tout prix. Courageusement, les avions à réaction foncent à 1.000 à l'heure, on peut dire "dans le brouillard", et traversent sans subir le moindre dégât, leur prétendu adversaire qui n'était autre que des sortes de nuages.
"Que penser alors de certains témoignages troublants émanant d'observateurs avertis tels que les pilotes d'avions, professeur d'institutions scientifiques, etc.? Rappelons tout d'abord que les phénomènes qui se passent dans l'atmosphère sont loin d'être tous connus, même des spécialistes. D'autre part, l'esprit critique fait parfois défaut même à des savants respectables. Enfin pour qui connaît l'ambiance de certains cercles militaires, la mystification est pas exclue vis-à-vis de certains camarades plus naïfs.
"Des météores ont été observés de tout temps, mais on n'y prêtait pas la même attention qu'aujourd'hui où tout le monde veut avoir vu sa soucoupe volante. Il s'agit là d'un cas banal d'illusions collectives dont les milieux scientifiques eux-mêmes ne sont pas exempts.
"Il est possible néanmoins que des engins nouveaux sillonnent parfois le ciel. Il est hors de doute que les américains et les russes, chacun de leur côté, cherchent à mettre au point des armes nouvelles et quelques-unes des soucoupes volantes sont peut-être une réalité. Mais les uns et les autres ont intérêt à ce que leurs recherches soient ignorées de l'adversaire, d'où le flot de nouvelles contradictoires.
"On annonce, par exemple, en Amérique, que les soucoupes volantes sont un mythe; le lendemain un engin répondant au même nom est découvert au Spitzberg et ses appareils de mesures portent des inscriptions en langue russe. Comme par hasard, le point de chute se trouve dans une région inhabitée.
"Suivant les circonstances, on feint l'ignorance ou, au contraire, on se vante d'une supériorité imbattable. Nous connaissons trop, pour en avoir souffert, les méfaits de la propagande pour nous laisser influencer par des informations qui manquent d'impartialité. Si vraiment il existe des engins nouveaux, il sera toujours temps de s'en inquiéter lorsqu'ils seront utilisés, s'ils le sont un jour. Il est absolument inutile de se faire du souci à l'avance.
"En conclusion, on peut dire que 90%, sinon 99%, des prétendues soucoupes volantes ne sont dues qu'à des observations incomplètes de phénomènes naturels et relèvent de la pure imagination. Quelques-uns sont sans doute attribuables à des météores d'origine connue ou nouvelle. Enfin, dans quelques cas particuliers, il s'agirait peut-être d'engins nouveaux en cours d'essai.
"Quant à l'origine extra-terrestre des soucoupes volantes, elle ne repose sur rien de positif et nous pourrions dormir sur nos deux oreilles si nous n'avions que cette appréhension. Nous avons, hélas, plus à craindre de nos semblables que des Martiens."
de ses enfants, M. Oliveira continuait à coller du papier et à gonfler ses montgolfières. Quelque peu surpris au début, ses voisins ne tardèrent pas à ranger cette peu dangereuse distraction dans le domaine des choses normales. M. Oliveira? Ah! oui, celui qui fabrique des montgolfières? "Certains élèvent des pigeons, assure M. Oliveira, d'autres entraînent des coqs pour les combats. Moi, je fais ça..."
De taille moyenne, l'oeil malicieux derrière les lunettes à grosses montures, le teint hâlé, vêtu d'une veste grise et d'un pantalon rapiécé aux genoux, vif malgré ses soixante ans (il en paraît quarante à peine), M. Oliveira semble complètement surpris par cette brusque accession à l'actualité. Il a parfois envie d'envoyer journalistes et photographes au diable et de se barricader dans le hangar encombré de papiers de caisses d'emballage, qui lui sert d'atelier de fabrication.
Il habite en effet chez ses enfants, M. et Mme Lenfant, qui tiennent une maison d'alimentation, route de Béthune, à Beuvry.
Etendue sur quelques caisses, la carcasse d'un des engins attend le gonflage. De quoi inspirer l'imagination de quelques personnes en mal de soucoupes volantes et de contact - à distance - avec les Martiens ou autres voisins de notre planète, puisqu'il paraît dorénavant admis que les "visiteurs du soir" puissent provenir d'un autre système que celui où la Terre poursuit son éternel gravitation.
L'aspect de la montgolfière révèle immédiatement le caractère primaire d'une technique qui remonte déjà à plusieurs siècles. Celle qui servira d'expérience et de témoignage mesure trois à quatre mètres environ. Elle affecte la forme d'un losange très renflé au centre et constitué par du simple papier d'emballage, mince et résistant. Une ouverture circulaire, renforcée d'un mince fil de fer, sert de base. Indépendamment de l'armature proprement dite, M. Oliveira dispose un trépied de fils de fer qui maintient un gros morceau d'étoupe imbibé de pétrole, d'essence ou d'huile. La question du carburant ne pose guère de problème.
Abordons maintenant la partie "lancement" de la montgolfière. Celle-ci est maintenue dans la position verticale. Sous l'ouverture, M. Oliveira dispose quelques journaux dans un baste [sic] pot de terre cuite... Nous voilà loin des rampes de V1, V2 et consorts... Sous l'action de l'air chaud, la carcasse se gonfle rapidement et tend à entreprendre son mouvement ascensionnel. M. Oliveira enquamme [sic] alors le chiffon d'essence, accroche le trépied au fil de fer qui maintient l'ouverture rigide et... L'engin commence sa course qui peut se prolonger fort loin s'il rencontre un courant favorable qui ne lui imprime que très peu de secousses. Au cours d'une expérience faite dans la matinée, la montgolfière s'était couchée et avait pris feu à une dizaine de mètres du sol.
Les esprits acquis à la probabilité des soucoupes volantes souriront. Ceux qui assurent avoir un aperçu un de ces engins dans leur exploration de la croûte terrestre hausseront les épaules dans un geste de généreuse commisération. Il n'en reste pas moins que, dans l'obscurité, la lueur rouge que dégage le chiffon enflammé, jointe aux reflets qu'elle fait danser sur le papier peuvent abuser les plus raisonnablse. Il faudrait d'ailleurs posséder un esprit critique et une somme de modestie fort extraordinaire pour ne pas se proclamer le témoin du phénomène qu'on assimile automatiquement à l' "incompréhensible".
Depuis 1922, M. Oliveira a lancé près de 5.800 montgolfières. Personne, dans les environs, ne s'en émeut plus. Mais en dehors de ce cercle, somme toute restreint, certaines personnes sont susceptibles d'être troublées et leur certitude de n'être pas victime d'une hallucination renforce encore leur intransigeance. A telle épreuve qu'une personne de Sailly a rapporté au commissariat de Beuvry une montgolfière tachetée intérieurement de gouttes d'huile et de marques noirâtres. Chacun en rit et la carcasse, aux lambeaux brûlés, ne constitue même pas une pièce à conviction.
Ce qui commence presque comme un conte peut prendre fin comme une fable chère à La Fontaine. Comment démêler l'illusion de la réalité? Les difficultés que rencontrent ce souci de l'exactitude et de la vérité ne font que rendre le problème plus complexe. Mais il sert aussi d'argument rassurant pour ceux qui craignent une invasion interplanétaire.
Nous ne nous croyons pas autorisés, du fait de cette expérience personnelle, pour trancher le débat. Souhaitons seulement que cette relation inspire plus de mesure et de retenue à certains. Les soucoupes et cigares volants deviennent vraiment encombrants. Il est des plaisanteries qu'il convient de ne pas prolonger trop avant.
[Légende photo:] M. OLIVEIRA s'amusa beaucoup à lire, dans un hebdomadaire à sensation, un reportage sur les soucoupes volantes.
Jean MAERTEN
La région de Saint-Amand-Nivelle aurait eu également sa soucoupe volante, tout au moins selon les dires du jeune Marcel Sénéchal, 20 ans, demeurant à Saint-Amand au lieu-dit La Pannerie.
Ce fut dans la nuit de samedi à dimanche, vers 1 heure du matin.
Ce soir-là, Marcel Sénéchal avait, comme d'habitude, passé la soirée chez sa fiancée à Hauterive-Nivelle. Il s'en revenait alors en bicyclette vers Saint-Amand en longeant le cours de la Scarpe.
Arrivé à hauteur de la "pâture Vandeville" il entendit tout à coup une conversation en langue inconnue, qui provenait de sa droite.
Tournant tout naturellement la tête de ce côté il aperçut alors à son grand émoi, une masse lumineuse en forme de meule et deux formes humaines de 1 m. 20 de haut revêtus [sic] d'un vêtement brillant. Un rayon lumineux sortait de l'engin mystérieux.
Le jeune homme effrayé s'éloigna à toute pédales pour regagner son domicile où tout bouleversé il rapporta ces faits à sa famille et ses voisins.
Informé par la rumeur publique, le commissaire de Saint-Amand, M. Gravet et deux inspecteurs chargés de la Police de l'Air, attachés à l'aérodrome de Lesquin, se sont rendus hier sur les lieux et procédèrent à des recherches. Ils ne purent relever aucune trace.