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The Mothman Prophecies

"D'autres se plaignaient de "Gitans" traversant leurs propriétés la nuit."

-- John A. Keel, 1975

En 1966-1967, quand d'innombrables rapports d'observations d'OVNIS émergent aux Etats-Unis notamment dans la vallée de l'Ohio et relancent l'intérêt du public et des medias à propos de l'existence et de la nature des soucoupes volantes et de la possibilité de visites extraterrestres intelligentes de notre planète, John Keel se rendra sur place à cinq reprises. Il en tirera la matière de plusieurs articles pour Fate et Playboy et pour son livre de 1975, "The Mothman Prophecies."

John Keel était un journaliste freelance occasionnellement publié par des magazines tels Fate ou Playboy qui s'est attaché à travailler en solitaire dans les années 60-70; inspiré par Charles Fort, il récolte tout récit possible d'apparitions diaboliques, de monstres velus, de chats ailés, de serpents de mer. Ses amis sont Gray Barker, l'homme qui a été à l'origine du succès de l'histoire douteuse des trois men-in-black racontée par Alfred K. Bender avant son retrait de l'ufologie. Le grand secret de Bender? Les soucoupes volantes viennent du pôle Sud; une race d'êtres ressemblant vaguement à des ours intelligents a enlevé Bender et leur a fait visiter leur base dans les glaces. Gray Barker, selon tous ceux qui le connaissaient y compris John Keel, n'a eu que peu de souci de véracité et s'est largement permis de d'inventer, d'exagérer toutes sortes de récits de soucoupes volantes, allant jusqu'à publier comme fait un récit de science fiction sur des soucoupes volantes "interdimensionnelles." Aussi peu fiable dans l'entourage de John Keel, James W. Moseley, futur debunker, s'amuse à écrire de fausses lettres extraterrestres pour le contacté Adamski, à tourner de faux films d'OVNIS et à se déguiser en man-in-black. C'est dans ce contexte des plus suspects que John Keel s'attachera à relier monstres, soucoupes, hommes en noirs, coup de téléphones mystérieux en un tableau Lovecraftien qui fascinera plus tard deux générations de chercheurs et lecteurs avides de mystères, dont l'appétit pour le surnaturel ne peut se satisfaire d'un banal rapport de l'USAF avec ses miles par heure, ses sergents-techniciens et ses "unknown" ni de la sécheresse d'un livre de Hynek pour qui vampires, goules et soucoupes ne valent rien tant que l'on n'a pas éliminé méthodiquement l'avion, la planète Vénus, le ballon, le feu follet et le canular.

The Mothman Prophecies est le récit des tribulations de John Keel en 1966-1967 dans la vallée de l'Ohio et particulièrement à Point Pleasant, où il note une panoplie presque exhaustive d'événements surnaturels: apparitions de ce qu'il décrit comme une créature terrifiante, sorte d'homme chauve-souris infernal quand vu la nuit, grand oiseau quand vu le jour, dont les journaux, les policiers et le naturalistes de la réserve des animaux sauvages suggèrent pourtant vite qu'il pourrait s'agir d'une variété d'oiseau migrateur, une grue aux yeux bordés de rouge, des lumières suspectes dans une usine chimique militaire abandonnée, des contactés de toutes sortes les uns voyageant sur la planète Lanulos, les autres préparant l'organisation d'un festival OVNI, des mutilations animales, des prédictions apocalyptiques qui ne se réaliseront jamais, des problèmes de téléphone, d'étranges hommes en noir ou en robe grise qui soient bégayent des questions hors de propos soient tentent de faire fonctionner des magnétophones portables, un pont qui s'écroule...

Les événements que relate John Keel, curieusement réminiscents des inventions de Gray Barker, habitant de la région et auteur d'un livre sur les mêmes histoires paru cinq ans avant, seront racontés en une succession vertigineuse dans laquelle John Keel voit de plus en plus non pas l'oeuvre de martiens, mais d'une intelligence insensée qui hanterait depuis la nuit des temps notre planète, se manifestant ainsi hors de toute possibilité d'élucidation scientifique.

Inutile donc de tenter de faire un tri dans ces récits et expériences; Keel y a d'ailleurs renoncé, et met en garde le lecteur: quand on est pris dans la tourmente des événements, il n'y a plus le recul qui permet de faire la part des choses. Ici, il observe un OVNI qui se révèle être un avion; mais là, l'avion devient avion fantôme. Ici, le men-in-black n'est autre que lui-même, vêtu de noir. Là, le contacté masculin se déclare enceinte d'un extraterrestre masculin au prénom féminin, puis s'exile dans une galaxie lointaine, à moins qu'il ne se soit tout simplement rendu au Brésil. Ici, un coup de fil mystérieux: une voix imitant assez bien mais pas assez bien celle de Gray Barker narre à Keel de sombres machinations dont seul Gray Barker et John Keel sont au courant, Keel en déduit que ce ne peut pas être Gray, car il ne se laisserai pas ainsi reconnaître. Logique. Moseley lui expliquera que Gray avait ce soir-là forcé sur l'alcool, d'où la voix pâteuse, mais est-ce bien Moseley qui parle? Pris dans un univers mi-Nixonien mi-Phildickien, doutant, de ses amis, des autorités, et de lui-même, il ne lui reste plus qu'à affronter sans grand espoir de la résoudre, l'ultime question: qu'est-ce qui est réel?

A l'instar de Dick, il retourne cette question sans abandonner un sens grinçant de l'humour, qu'abandonneront pourtant d'autres auteurs loin, loin de là, et bien plus tard, fascinés, qui trouveront dans tout cela leur réponse prudemment présentée comme "éventuellement erronée" ou "approche évidemment non scientifique" à l'énigme des OVNIS, qu'ils n'accepteront pas comme extraterrestre tant qu'ils ne figureront pas dans les conclusions de papiers scientifiques sous peer reviewing dans Science ou Nature. Les OVNIS, c'est le diable, ce sont des manigances des militaires, ce sont des récits sans valeurs réductibles aux contes et légendes d'autrefois, ce sont des émanations d'une intelligence tapie au centre de la terre, ce sont des hallucinations causées par le microbe de la carie dentaire, ce sont des effets de l'ergot de seigle, ce sont un mythe moderne, ce sont des leurres d'extraterrestres fabriqués par des aliens, et ainsi de suite, en tout cas, ce ne sont pas des extraterrestres, on ne sait plus rien, il n'y a pas de certitudes, tout est mythe, illusion, manipulation, c'est Palmer Eldritch, et que vaut la science, alors?

Patrick Gross
Février 2004

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Cette page a été mise à jour le 25 février 2004.