Le 1er août 1952, la station radar de Bellefontaine détecte un écho radar se déplaçant à 400 noeuds. Il semblerait que des personnes au sol aient observé un OVNI de manière concordante, mais je n'ai pas pu fermement établir ce point à partir des documents qui me sont disponibles, et il ne saurait donc être tenu pour certain.
Cet écho a suscité le déclenchement d'une mission d'interception. Là encore, je n'ai pas pu déterminer exactement pourquoi; raisonnablement cela est dû au fait découvert par la suite par le personnel de Blue Book qu'un avion se trouvait là sans que la station radar en ait été avertie, ou, cela pourrait être dû au fait que c'est bel et bien un OVNI qui aurait été vu visuellement par des témoins au sol.
La mission d'interception a consisté à diriger deux chasseurs à réaction F-86 qui était déjà en mission dans les parages vers le point ou se trouvait l'écho non identifié. La station radar de Bellefontaine n'étant pas équipé d'un radar de mesure de l'altitude des cibles, seul le point d'interception pu être communiqué aux deux pilotes, qui eurent tôt fait de se rendre exactement au point ou le radar au sol indiquait la présence de l'OVNI.
Ici encore, il est quelque peu étrange qu'un simple contact radio n'ait pas permis d'identifier l'objet comme étant un avion non annoncé, et la mission d'interception à tout les traits d'une chasse à l'OVNI; mais faute de documentation précise, nous devons admettre qu'il s'agissait en fait d'un avion, et la station de radar de Bellefontaine l'a considéré comme un OVNI parce que le vol de cet avion ne leur aurait pas été annoncé.
Au moment ou les deux F-86 ont rejoint l'emplacement de l'écho radar non identifié, le radar au sol tombe justement en panne. Dès lors, les deux pilotes ne pourront plus compter sur un pistage de l'intrus depuis le sol, et devront compter en premier lieu sur leur observation visuelle du ciel au-dessus et en dessous d'eux pour localiser l'inconnu.
Ils le verront au-dessus d'eux et après diverses manoeuvres qui leur ont permis de s'assurer de ce qu'il ne s'agisse pas d'un simple reflet, ils tenteront de le rejoindre. Une première tentative se solde par le calage du réacteur du premier F-86 quand il atteint l'altitude limite pour ce type d'avion de 48.000 pieds. Une deuxième tentative sera plus fructueuse, à 48.000 pieds le jet aura encore assez de stabilité pour que son pilote puisse d'une part voir l'OVNI comme étant rond et argenté, d'aspect plein, d'autre part le filmer avec la caméra couplée à son canon de 35 mm, et enfin le détecter avec son radar de bord, comme un écho relativement faible. Connaissant la portée de son radar de bord, ayant eu une mesure visuelle relative dans son appareil de visée, le pilote estimera que selon l'altitude de l'objet, il devait mesurer de 25 à 40 pieds de diamètre. Le film une fois développer montrera une forme ronde mais trop indistincte pour que l'on puisse sur la seule vue des images dire de quoi il s'agissait.
A ce point, le Major Keyhoe, ancien des Marines et ufologue irrité de l'attitude de déni des autorités US concernant les OVNIS, explique dans un article que l'objet a alors accéléré brutalement et est parti à grande vitesse hors de la vue du pilote. Là encore, je ne peux considérer ce point pourtant essentiel comme étant certain, le fait étant que les autres sources à ma disposition (le rapport Blue Book et le témoignage de son chef Ed Ruppelt notamment) ne donnent aucune précision sur ce qui a mis fin à la poursuite. Considérons faute de mieux pour l'instant que le départ rapide de l'objet n'ait pas eu lieu.
C'est essentiellement le Lieutenant Andy Flues qui secondait le Capitaine Ruppelt du Projet Blue Book, l'étude officielle des OVNIS par l'US Air Force qui se penchera sur l'affaire. Dans un premier temps il ne pourra pas trouver d'explication convaincante au sujet de l'observation et la classera dans la catégorie des "inconnus," ce qui dans la terminologie Blue Book équivaut à "aucune explication ne rend compte des faits si ce n'est celle par un objet volant non connu sur Terre."
Pourtant le Lieutenant Flues est convaincu qu'il doit tout de même y avoir une explication conventionnelle, il pense particulièrement à un ballon météo qui se trouvait bien dans cette zone à ce moment, et à la correspondance entre les descriptions des témoins visuels et la description d'un ballon. Ce qui ne va pas, c'est bien entendu la vitesse de 400 noeuds pour l'objet d'après le radar au sol.
Flues trouvera finalement l'explication suivante: l'écho radar à 400 noeuds détecté par la station de radar de Bellefontaine était un jet volant bas et non annoncé par suite d'un manquement de communication de plan de vol. Une fois les deux jets F-86 arrivés sur les lieux, le radar de Bellefontaine étant tombé en panne, l'avion en question ne put plus être suivi, sans quoi les deux jets l'auraient rejoint et vu qu'il s'agissait d'un avion. Sans indications du radar au sol, ils firent la seule chose possible: regarder au-dessus et en dessous d'eux, et c'est ce faisant qu'ils purent voir ce qui était le ballon météo, à très haute altitude. Si l'on omet les quelques bizarreries des événements telles que je les mentionne plus haut, nous avons bien là une explication satisfaisante: c'est un concours de circonstances, un coïncidence, qui fit poursuivre un ballon comme étant un OVNI supposé.
Des années plus tard, le programme "Colorado" de l'Université de cet état, qui avait accepté de vérifier "une fois pour toutes" si les OVNIS étaient une affaire sérieuse ou non, et qui aboutira au fameux rapport Condon concluant que la science n'a rien gagner à étudier les OVNIS, se saisissant de ce cas comme s'il n'avait pas été expliqué, et lui trouvent encore une fois une explication, celle du ballon.
Ce qui s'est passé montre le niveau nul des enquêtes du groupe Condon. Ils n'ont aucunement consulté les enquêteurs initiaux, ils ont simplement repris et recopié quasiment mot pour mot le premier rapport de l'Air Force avec sa conclusion "inconnue" et ont fabriqué l'explication par un ballon en noyant le poisson quant au problème de la vitesse de 400 noeuds. L'astuce avait été de dire que la mesure de 400 noeuds initiale, combinée avec la cartographie de l'objet sous observation des deux F-86 en une position quasi stationnaire pendant plus d'un quart d'heure, donnait une "vitesse moyenne de 44 noeuds" qu'ils annoncèrent donc comme "compatible avec la vitesse d'un ballon." C'est donc par ce tour de passe-passe pathétique qu'ils aboutissent à une conclusion juste. C'est là un des innombrables exemples dans lesquels le groupe Condon, pratiquant de la recherche en fauteuil, sans s'inquiéter de prendre l'avis des personnes les mieux placées - parmi lesquelles se trouvaient cette fois les membres de Blue Book qui avaient pourtant résolu le cas d'une manière autrement plus sensée - ont arrangé les faits à leur convenance pour "expliquer" les OVNIS.
Le professeur James E. Mcdonald ne s'y est pas trompé quand il a placé ce cas dans une brève liste de cas "expliqués" par Condon pour lesquels il a pensé que leur explication ne tenait sans doute pas debout et ne résisterait pas à un examen approfondi.
Il y a encore pour moi quelques zones d'ombres dans cette affaire, mais tant qu'elle ne sont pas éclairées par quelque nouvelle pièce de ce dossier qui remettraient sérieusement en cause ce qui semble être le déroulement généralement admis des événements, je ne vois pas de raison de ne pas considérer comme correcte l'explication trouvée par Andy Flues de Blue Book.
Le mot de la fin revient au Capitaine Ed Ruppelt:
"Il [le cas de Bellefontaine] montre également le fait que notre recherche et analyse étaient complètes et que quand nous avons finalement classé un rapport comme "inconnu" il était vraiment un inconnu. Nous n'étions pas infaillibles mais nous n'avons pas souvent laissé passé un indice sans le voir."