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Les OVNIS dans la presse quotidienne:

La vague française de 1954 dans la presse:

L'article ci-dessous est paru dans le quotidien Nord-Matin, Nord - Pas-de-Calais, France, pages 1 et 10, le 6 octobre 1954.

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Scan.

Un habitant de Beuvry
a lancé des milliers
de soucoupes volantes
- en papier! -
dans le ciel du Nord

(De notre rédacteur régional Fernand VARLET)

[Légende photo:] Au seuil de son garage-arsenal M. D'Oliveira commente à notre rédacteur la technique ascensionelle de son appareil (Ph. Nord-Matin)

MODESTE cité limitrophe de Béthune, Beuvry s'était illustrée, voilà quelques jours, par l'éclosion d'un écrivain-mineur qui défraye les chroniques et monopolise les ondes. Un fait divers, bien différent de cette révélation, venant d'éclater comme une bombe, risque de porter le nom de cette petite ville au delà même de nos frontières: on a découvert à Beuvry un brave retraité portugais qui, fabriquant des montgolfières et les lançant dans le ciel, apportait de l'eau vive au moulin des soucoupes volantes.

Il s'adonnait à ce genre de sport pour son seul plaisir, comme un maniaque du ballon illuminé, ayant jadis, dans son pays lointain, été le voisin d'un artificier qui lui avait ouvert le secret de son art.

Ainsi, de Beuvry, les soirs où le vent soufflait favorablement, s'envolaient des engins de papier qui, sillonnant le ciel à la ronde, prenaient l'allure se soucoupes mystérieuses!

Des ombres inconnues dans un engin brillant!

Lundi dernier, le 27 septembre, vers 10 h., Mme Irma Hennebelle, qui habite rue de Béthune, à Sailly-Labourse, tout près de Beuvry, vaquait à ses occupations dans la cour se sa maison. Le ciel de cette soirée automnale déclinait doucement vers la nuit et, tout à coup, haut ans les nuages, Mme Hennebelle vit apparaître un engin illuminé, flamboyant rouge, qui semblait promener sur la terre un re-

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sous le stitre:

SOUCOUPES

[Légende photo:] Essai sur un modèle réduit: cette soucoupe miniature chercher à quitter son propriétaire pour le ciel! (Ph. Nord-Matin).

Scan.

SOUCOUPES

gard indiscret. Qu'auriez-vous fait au lieu et place de Mme Hennebelle? Sans doute comme elle: elle pensa tout de suite qu'il s'agissait d'une soucoupe... On en parle tant ces jours-ci!

Inquiète, la ménagère appela son mari, André, et sa fille, Ghislaine. Puis on alla chercher l'oncle, qui habite à deux portes, M. Olivier Dubois. Il vint avec sa fille. Cinq paires d'yeux se braquèrent alors vers le ciel obscur que le curieux appareil trouait d'une lumière insolite.

La soucoupe - puisqu'il fallait bien l'appeler par son nom - avait la forme d'un long cigare volant verticalement. Il lançait des reflets rouges et, comme par transparence à l'intérieur, on pouvait voir le dessin mouvant de trois ombres bizarres.

Mme Hennebelle et sa famille pensaient vraisemblablement n'être que les témoins passagers d'un phénomène inconnu. Pas de doute en effet, l'engin allait poursuivre sa route vers la direction de son choix. Et allez donc en savoir plus sur un objet aussi mystérieux qui évolue librement à 300 mètres de haut?

Mais - ô stupéfaction - l'engin lumineux perdit tout à coup de la hauteur et vint doucement s'affaler au sol, à quelques mètres du quintette qui l'observait.

De l'autre côté de la route nationale qui longe la maison des Hennebelle, se trouve un pré appartenant à M. Monvoisin, cultivateur: c'est l'herbe tendre de ce clos que l'appareil avait choisi pour son atterrissage.

MM. Hennebelle et Dubois traversèrent en courant la chaussée et s'approchèrent de la "soucoupe".

Las! Le tout n'était qu'un engin de papier - un vulgaire papier d'emballage - qui semblait s'être dégonflé comme une baudruche. Un cercle de fer ménageait un orifice à une extrémité et, à l'intérieur, une étoupe achevait de brûler.

"J'en ait fait partir
des milliers!"

Pas d'erreur cependant, ce modeste objet de un mètre de haut, large de 30 centimètres, avait bien, dans le ciel, une mystérieuse allure!

Le soir, en buvant le café, on en parla longuement. Quelques jours plus tard, M. Hennebelle, inquiété quand même par cette histoire, alla prévenir M. Raoul Fourgnies, le garde de la commune. Celui-ci conta l'affaire au commissariat de Beuvry. Un gardien de la paix fut détaché pour ramener au poste la dépouille burlesque d'une soucoupe ratée.

Son atterrissage eut pu être dangereux: l'étoupe, nous l'avons dit, achevait de se consumer et l'engin était tombé à trois mètres d'une meule de paille. On se demanda quel sort eut connu cette meule si l'étoupe lui avait réservé ses dernières étincelles?

De rapides déductions et des observations faites par des habitants de Beuvry ne permirent aucun doute: l'auteur de cette farce troublante n'était autre qu'un Beuvrygeois, M. Victor d'Oliveira, sujet portugais, retraité de la centrale électrique, demeurant chez sa fille, épicière, route nationale, à Beuvry.

L'homme ne se cachait d'ailleurs pas pour organiser ses ascensions. Il nous a accueillis hier avec bonne humeur pour nous expliquer sa technique. Lui, lance des montgolfières dans l'air comme d'autres élèvent des pigeons ou des abeilles! Et il dit en souriant:

"J'en ai déjà fait partir des milliers!"

Arsenal de la montgolfière

La boutique tenue par la fille du "fabriquant" est à deux pas du calvaire. Un petit jardin lui succède, fermé lui-même par un garage. C'est dans ce garage et dans la mansarde qui le surplombe que M. D'Oliveira opère. Il nous y a conduit, regrettant fort que la pluie tenace l'empêche de se livrer devant nous à une expérience dans les meilleures conditions. M. D'Oliveira a la manie de la montgolfière. Cela date de longtemps. Adolescent il était, au Portugal, voisin d'un artificier. C'est là qu'il apprit à confectionner ses engins.

Depuis, il en a fait de toutes les tailles, de 1 m. 20 à 5 mètres de haut. Le grenier de son garage en révèle toujours une provision minutieusement préparée. M. D'Oliveira en a dépliée une énorme devant nous. Et vous pouvez croire qu'on imagine aisément l'impression réservée au passant qui voit évoluer dans le ciel une pièce de cette taille, luisant de tous ses feux.

Faire une telle montgolfière est un jeu de patience pour M. D'Oliveira. Il découpe ses bandes de papier, les ajuste minutieusement, les colle, ferme ensuite son appareil autour d'une frêle carcasse de fer et ménage, grâce à un cercle, un orifice à une extrémité.

Il passe de longues heures à cette besogne délicate et, en passionné de ce genre original de sport, admire ses réalisations avec la satisfaction d'un travail bien fait.

L'engin confectionné, il reste à le gonfler et à le livrer au secret du ciel.

Pour ses ascensions, M. D'Oliveira choisit les soirs où le vent est calme, sans tourbillon. alors, avec l'aide de sa femme, il suspend un des engins tout prêts - u jour un petit, un jour un gros - à une poutre de son garage.

Amis lecteurs, vous pourrez aisément en faire autant, la technique opératoire est élémentaire.

La montgolfière suspendue M. D'Oliveira, fort sérieusement, place sous elle, juste en face de l'orifice un bien démocratique pot à fleurs. Il y entasse du papier (du papier journal, s'il vous plait!) et y met le feu en toute quiétude. Vous l'avez deviné: le papier s'enflamme et dégage une fumée qui, dans l'étroit garage, vous pique les yeux désagréablement.

Cette fumée monte, bien sûr, s'engouffre dans la baudruche de papier qui, à une vitesse extraordinaire, se gonfle tel un ballon cocasse.

Ces gestes, M. D'Oliveira les a si souvent répétés qu'il met quelques secondes pour les accomplir. Sa montgolfière gonflée, il accroche aux tiges intérieures une étoupe d'amiante plus ou moins grosse. Il l'imbibe de pétrole et y met le feu. Cette combustion lente entretient l'air du ballon d'une température qui rend ce gaz plus léger que l'air. C'est strictement le principe de la montgolfière.

Un tel engin, muni d'étoupes assez conséquentes, peut, par vent favorable, voler très longtemps, très loin et très haut.

Si Mme Hennebelle et ses parents ont vu des ombres sur la fausse soucoupe et ont pu penser qu'il s'agissait d'êtres humains, c'est qu'il y avait vraiment des ombres: celles des tiges de la carcasse, projetée par l'étoupe enflammée sur le papier.

M. D'Oliveira apporte un soin particulier à la fabrication de ses appareils. Parfois même, il accroche au cercle d'ouverture des mèches soutenant des chandelles!

On devine l'inquiétant reflet d'une telle batterie lumineuse se promenant la nuit dans le ciel. Pas mal de gens ont pu croire au passage de "soucoupes", d'autant plus que ces temps-ci le retraité portugais en a lancé quelques-unes.

Une voisine lui avait même dit, étant au courant de cette manie aérienne: "On va prendre vos trucs pour des soucoupes!", ce qui l'avait bien fait rire.

Fausse alerte en 1939!

Le problème des soucoupes n'est peut-être pas pour autant résolu, car les engins de M. D'Oliveira n'ont certainement jamais pu gagner la Suède ou l'Espagne. Mais les pratiques de M. D'Oliveira expliquent sans doute bon nombre d'apparitions diverses dans la région du Nord.

Nous l'avons dit: l'inventeur du système est généreux. Ces dernières années, il a semé dans les cieux Beuvrygeois des milliers de montgolfières. On a dû en retrouver pas mal dans les champs des alentours que les circonstances atmosphériques changeantes avaient stoppé dans leur facétieuse entreprise. Mais beaucoup ont dû intriguer les terriens, par contre, au fil de leurs ballades curieuses.

M. D'Oliveira a commencé ses travaux voilà de nombreuses années, sous le soleil du Portugal. Sa passion d'artificier pittoresque l'avait suivi en France. Et, en 1939, elle avait failli lui coûter la pire des mésaventures.

En août 1939, il se trouvait en vacances à Calais. Certain soir, il avait lâché au vent un de ses "phénomènes". L'appareil, luisant de tous ses feux, suivit la côte de la Mer du Nord, prenant la direction d'une Allemagne en ébullition, quelques jours avant la guerre. Aux sémaphores, on vit le curieux "cigare" volant. On ne parlait pas à l'époque des modernes soucoupes. L'ambiance était à l'espionnage et aux secrets de guerre. On supposa que la montgolfière de papier pouvait contenir des messages importants et M. D'Oliveira fut un instant inquiété car, à Calais, on avait pu établir qu'il était à l'origine de cette suspecte ascension.

Il parvint rapidement à se justifier. Mais la mésaventure ne l'avait pas refroidi et il reprit de plus belle ses expériences.

C'est son passe-temps. Il n'est ni musicien, ni joueur. Il est "soucoupiriste". Un genre comme un autre. Il couve ses engins avec amour après les avoir construits dans la fièvre. Il en a des rouges, des bleus, des jaunes, des crêmes et des blancs, en papier d'emballage ou de soie. Ce sont presque ses enfants.

Il serait bien peiné qu'on lui interdise pareille fantaisie. C'est pourtant ce qui va lui arriver. Pour le moins, la police local le gratifiera-elle s'une contravention.

Mais M. D'Oliveira se demande où est le délit et quel il est.

"On a bien le droit, dit-il, de faire voler son dragon. Même s'il a la forme d'une montgolfière tirée à des milliers d'exemplaires."

Et si on la prend pour une soucoupe?...

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Cette page a été mise à jour le 21 avril 2020.