L'article ci-dessous est paru dans le quotidien Paris-Presse, Paris, France, pages 1,5, le 9 octobre 1954.
"J'ai vu la soucoupe, dit Mme Fourneret. On aurait dit une cloche! Elle brillait dans le pré au "Natole". J'ai eu si peur que je me suis sauvée avec le petit." Tout Poncey-sur-Lignon croit à la soucoupe qui a, l'autre soir, atterri dans le pré du maire, M. Anatole Cazet. La "cloche-soucoupe" - ou le cigare - a laissé des traces. Et devant ces traces, inexplicables jusqu'ici, les enquêteurs s'interrogent. Aux premières heures, les policiers souriaient avec scepticisme. Mais après avoir fait un certain nombre de constatations, ils perdirent leur belle assurance. C'est la première fois, en France, que les "soucoupes" - si ce sont elles - laissent des traces.
(Lire en page 5 l'article de notre envoyé spécial Charles DAUZATS.) (Photos Dorka.)
A moins d'admettre la complicité de tout un village, la police doit reconnaître l'étrangeté du phénomène
(De notre envoyé spécial Charles DAUZATS.)
DIJON, 8 octobre.
QUAND le "Natole", le maire de Poncey-sur-Lignon, avait, mardi, vers les 19 heures, appelé au téléphone la gendarmerie de St-Seine-l'Abbaye pour lui parler de "sa" soucoupe, le chef, à l'autre bout du fil. n'avait pas paru prendre l'histoire très au sérieux. Il avait dit pourtant: "On ira..."
Sur le tard, il était venu en effet. Et les 140 habitants de Poncey, à l'exception de Mme Deschamps, qui tient le café et le téléphone public, et doit, par conséquent, assurer la permanence de sa cabine, tout le monde, en le voyant arriver, avait poussé un soupir de soulagement.
Il ne semblait pas y croire, à la soucoupe de Poncey! On l'avait amené au pré du "Natole", à côté du prunier, là où Mme Fourneret, la première, avait vu dans la nuit un engin mystérieux qui avait laissé des traces... Lorsqu'il était arrivé devant le rectangle de terre vive - un creux de 1 m. 50 sur 0 m. 60 régulièrement désherbé, comme scalpé - lorsqu'il avait vu, enfin, dans un rayon de quatre mètres, des plaques d'herbe de 30 centimètres de diamètre, qui semblaient avoir été happées par un aspirateur géant, puis rejetées, il avait laissé tomber, en se grattant le bord du képi:
"Il y a quand même là quelque chose de pas ordinaire".
Et les 140 de Poncey s'étaient observés avec un regard de victoire:
- Hein! Nous, on savait bien... Peu après le chef téléphonait au capitaine Millet, de Semur-en-Auxois:
- Mon capitaine, des choses étranges se sont passées à Poncey... Une soucoupe...
Un rire jovial avait accueilli sa déclaration... Mais quand le capitaine était arrivé lui aussi dans le pré au "Natole", il avait à son tour, appelé à Dijon le commandant Viala. Et le commandant à son tour s'était esclaffé...
Aujourd'hui, le commandant Viala attend les rapports de ses enquêteurs. Ces rapports retracent l'histoire avec minutie. Ils se complètent de photos prises par la gendarmerie.
L'affaire commence samedi soir. Mme Gainait, dans son étable, trait les vaches. Lorsqu'elle sort, en pleine nuit, un seau de lait au bout du bras, elle aperçoit dans le ciel "quelque chose de rond et de rouge au-dessus des bois, dans une auréole vert tendre:
- J'ai pensé à la lune d'abord, nous a confié hier Mme Gainait. Je trouvais ça drôle, pourtant, ce bâton droit enveloppé de lumière, alors j'ai appelé mon mari...
Et le mari vint, puis la fille, puis le fils, puis une voisine. La "chose" brillait toujours là-bas...
- C'était comme un tonneau de cent litres, précise M. Gainait. Une boule de feu sur une voile rectangulaire avec des reflets verts et parfois arc-en-ciel. Ça marchait sans aucun bruit à la vitesse d'un gros avion... Y'a pas à dire: c'était chic...
Le dimanche, on ne parlait plus, dans Poncey, que de "la soucoupe à Gainait". Elle donnait même des idées à certains... A l'autre bout du pays, le gendre de Bouiller, un militaire un peu blagueur, racontait à toutes les femmes des environs de l'usine d'amiante, qui restent seules, au crépuscule, dans le grand silence du vallon:
Vous verrez les Martiens! Ils viendront peut-être un jour!..
Cette histoire de Martiens, dans un village au fond de sa cuvette, finissait par impressionner tout le monde. Mme Fourneret, en particulier, dont le mari, après son travail à l'usine, s'en va régulièrement donner un coup de main aux cultivateurs jusqu'à la nuit. Mais elle ne voulait rien laisser paraître de ses appréhensions.
Lundi, on pensait que tout serait oublié. Seulement voilà... Sur le coup de huit heures du soir, au moment où Fourneret et les arracheurs de patates dînaient chez le maire, M. Anatole Cazet, le gendre de Bouiller était arrivé, haletant, à vélo: "Fourneret. viens vite, l'Yvette, ta femme, a peur..."
- Tu lui as encore raconté des bêtises!
Non! Elle a vu "quelque chose de lumineux" sous le prunier... Je voulais entrer chez vous avec mon petit beau-père en disant: "On est les Martiens!..." Et, dans ta maison, plus personne! L'Yvette, terrorisée par un engin - un vrai engin, tu sais - est chez une voisine: elle pleure... Et je ne suis pas tranquille non plus!
- C'est vrai, nous a dit Mme Fourneret: en fermant les volets, j'ai vu, tout à coup quelques chose briller dans le pré au "Natole": c'était comme ma cuisinière; ça avait un peu la forme d'une cloche... J'ai pris mon gars en je m'en suis allée en laissant tout ouvert!
Dix minutes plus tard, chez les Bouiller, à cent mètres de là, le fils, un garçon fort et rouquin de 18 ans, revenait lui aussi, chaviré:
- Là-haut: un cigare... comme un fuselage d'avion... vert, avec des reflets jaunâtres... Venez voir!...
Il tremblait... Tout cela, bien sûr, pouvait n'être que des hallucinations, bêtises de femmes et de gosses. Dans la nuit, les cultivateurs de Poncey n'en prirent pas moins leurs fusils, pour savoir...
- Où l'as-tu vu, l'Yvette, ta soucoupe?
[Légende photo] Voilà les traces laissées par la cloche-soucoupe: deux mètres carrés de pré où l'herbe semble avoir été arrachée par une pompe aspirante. Les mottes de terre (ci-dessous) ont été découpées avec une parfaite régularité.
Elle montrait, là-bas, le prunier. Et, sous le prunier, on allait relever les fameuses traces qui, aujourd'hui, intriguent les enquêteurs: un rectangle régulier, creusé dans le pré comme par une sorte de formidable aspiration, qui aurait "scalpé" des plaques entières d'herbe, rejetées ensuite dans un rayon de quatre mètres.
Aucun instrument aratoire ne pourrait exécuter ce travail de raclage. Des sangliers ou autres bêtes n'auraient pas scalpé le sol aussi régulièrement.
[Légende photo:] UNE CLOCHE-SOUCOUPE dit Mme Fourneret
[Légende photo:] "CIGARE VOLANT" affirme M. Bouiller
[Légende photo:] UN TONNEAU LUMINEUX assure Mme Gainait
S'agit-il d'une mystification? Plusieurs joyeux lurons du pays ont été entendus. Ils étaient loin du point d'atterrissage, c'est prouvé.
- Enfin, nous précise M. Fourneret, un détail m'a frappé: nous sommes arrivés sur le terrain après le départ de l'engin. Sur le sol, il y avait partout des vers blancs qui se tordaient. Le temps était froid: les vers blancs n'auraient pas longtemps résisté à la température. Le rectangle venait donc d'être fait, d'un seul coup, avant notre arrivée, comme par une ventouse géante...
S'agit-il d'un phénomène naturel, d'une sorte de feu follet éclatant dans les premières brumes de l'automne?
- Le terrain ne s'y prête pas, nous répond M. Fourneret. Et d'ailleurs un feu follet ne laisse pas de trace...
C'est logique. Alors? Devant le rectangle, comme devant le panier de mottes d'herbe arrachées par le mystérieux engin de Poncey et retenues comme pièces à conviction, tout le monde, aujourd'hui, perd son latin, y compris un médecin de Dijon venu, cette nuit, prélever, aux fins d'analyse, un peu de terre du champ au "Natole" et un jeune ingénieur de l'Aéronautique, auquel un examen a été commandé.
On a vu, hier encore, un peu partout en France, des escadrilles de soucoupes, de cigares, de globes lumineux et de disques volants:à Corbigny (Nièvre), à Montlevicq et Saint-Plautavie [sic], près de Châteauroux, à Orthez, à Saint-Bihy (Côtes-du-Nord), à Chalette et Dordives (Seine-et-Marne). A Puymoyen (Charente) on a découvert, à l'endroit où avait atterri une soucoupe, douze petits tas de cendre au milieu d'un cercle d'un mètre cinquante de diamètre et, parmi les cendres, des bâtonnets. Les gendarmes d'Angoulême pensent que ces bâtonnets sont des lamelles de poudre tubulaire employées dans l'artillerie.