L'article ci-dessous est paru dans le quotidien La Liberté, Nord, France, page 6, le 17 septembre 1954.
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Septembre, c'est le mois où les feuilles, tombant des arbres, volent au gré du vent, où les hirondelles, avant de quitter nos régions, volent sans se lasser au ras des toits. En septembre il vole aussi des feuilles d'impôts et, depuis que l'hystérie guerrière a rendu fou, après Forrestal, grand nombre de politiciens américains, de mystérieux engins en forme de soucoupe ou de cigare, que les journalistes en mal de copie, ont baptisé "soucoupes volantes".
On en parlait déjà beaucoup de ces boules de feu qui filaient dans le ciel.
Mais, cette fois, l'affaire devient sérieuse. De tels engins se sont posés. On a même vu leurs occupants.
Ce fut le cas il y a quelques jours, à Quarouble, et "Nord-Eclair", aussi rapide que le veut son titre, s'est empressé de déléguer là-bas un envoyé, tout ce qu'il y a de spécial, qui jure ses grands dieux, comme les fins limiers de la police du coin, que la déclaration de M. Dewilde est tout ce qu'il y a de vraisemblable.
Bien sûr, il faisait nuit noire, M. Dewilde n'a vu qu'une "masse sombre"... mais enfin, c'est si alléchant de faire du roman et de détourner l'attention des lecteurs du réarmement allemand.
Pour atteindre ce but, on accueille allégrement toutes les "visions" de soucoupe, sans s'étonner que les "mystérieux engins" se posent de préférence dans des endroits déserts, toujours en pleine nuit, devant un seul témoin...
Comme par hasard, les pilotes des soucoupes sont de petits hommes à grosse tête, étrangement semblables aux Martiens, tels que les imaginent les auteurs de romans d'anticipation.
Que ces boules de feu soit tout simplement les produits de la foudre, des ballons météorologiques, voilà qui serait bien ennuyeux pour les pisse-copie, avides de nouvelles à sensation.
Pour ma part, en attendant qu'une soucoupe volante viennent se poser en plein midi sur la Grand-Place de Lille, j'ai trouvé un fameux alibi pour les soirs où je rentrerais très tard à la maison. A ma femme qui me demande, furibonde, à l'occasion: "Où es-tu encore allé ?", je ne répondrai plus : "J'ai rencontré Jules que je n'avais pas vu depuis 10 ans". Je lui dirais tout simplement : "Je traversais un champ lorsqu'une soucoupe volante vint se poser près de moi. Un gnome, dont l'œil unique brillait comme un phare en descendit, m'embrassa, et poussa à l'amabilité jusqu'à m'offrir l'apéritif dans son engin, avant que ce dernier, dans un léger bruissement, ne s'envolât à la verticale..."