L'article ci-dessous est paru dans le quotidien La Nouvelle République de Bordeaux et du Sud-Ouest, France, 6 octobre 1954.
De notre envoyé spécial André Euloge
Toute la France en parle! De la Saintonge à la Normandie, des marches de l'Est à la douce Provence, "soucoupes", "cigares" et autres engins volants mystérieux ont pris possession du ciel de notre pays. S'agit-il d'une étrange psychose propagée à la manière d'une foudroyante épidémie qui fait "voir" à la plupart des témoins des phénomènes observés - ils sont maintenant des milliers - des engins imaginaires tandis que d'autres sont les crédules jouets de mystificateurs sans vergogne?
Voici le film de la nuit du 1er octobre. Là, rue Louis-Belin, à Bergerac, apparut à MM. Defiz et Labonne un engin mystérieux. De gauche à droite et de haut en bas, les attitudes de ceux qui vécurent ces moments.
1. A bicyclette, M. Defiz revient du travail: 22 heures, une lueur est visible dans le ciel.
2. Elle descend, prend la forme d'une fusée.
3. Elle se pose dans le jardin de M. Labonne (marqué d'une flèche).
4. L'engin a atterrit sur une bande de terre, 3 mètres sur 5 mètres (indiquée par un cercle).
5. Au matin, en bordure de cette parcelle de terrain, des champignons ont poussé.
6. M. Labonne, qui se trouve maintenant en compagnie de M. Defiz, n'est pas remis encore de son émotion.
7. Quant à M. Defiz, il a refait un dessin représentant la silhouette de l'engin.
8. MM. Boyer et Marat, tout d'abord sceptiques, ne mettent plus en doute les déclarations des deux hommes.
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rant sur la voie ferrée. Deux heures avant cette apparition, au hameau de Mauriéras [Sic, Mouriéras], commune de Bugeat (Corrèze), M. Mazaud déclarait quant à lui avoir été embrassé par l'homme de l'espace.
C'est encore sur une voie ferrée que cette fois près de Bergerac, un témoin affirme avoir vu un mystérieux "engin volant" au sol.
En effet, le 1er octobre, vers 22 heures, M. Jean Defiz, 26 ans, demeurant 28, rue Louis-Belin, à Bergerac, monteur en chauffage central, regagne son domicile. A bicyclette, par un étroit chemin de terre il longe la voie ferrée qui va de Bergerac à Agen. La nuit est noire, épaisse, sans une lumière à l'horizon. Et brusquement, juste au-dessus de sa tête, à haute altitude, descend à une vitesse vertigineuse vers le sol une lueur intense.
Sur le moment précise maintenant M. Defiz, j'ai cru qu'il s'agissait d'une étoile filante démesurément grossie toutefois. J'ai alors observé plus attentivement et j'ai remarqué un engin ayant la forme d'une fusée. A trois reprises elle se colora d'une teinte verdâtre. J'ai eu tort, reconnaît M. Defiz, de ne pas m'être arrêté pour suivre plus avant ses évolutions.
Déposant sa bicyclette, il traverse alors rapidement son jardin et monte jusqu'à sa chambre située au premier étage de la maison de M. Marius Marot, dont il est le locataire. Encore impressionné par cette vision lumineuse, il marche machinalement vers la fenêtre, se penche pour attirer vers lui les volets, et de nouveau, cette fois comme sortant de terre, l'engin lui apparaît plus fluorescent encore que précédemment. Dans le même temps un appel d'air se forme, l'environne et semble comme vouloir le happer.
Stupéfait, ses yeux rivés sur l'engin, il aperçoit sous la coupole noire demi-sphérique, trois béquilles qui se replient lentement, tandis que l'appareil dans un sifflement d'air s'élève plus vite, toujours plus vite. Et c'est encore la traînée lumineuse qui se perd au bout de quelques secondes dans les nuages.
M. Defiz craignant les sarcasmes et les moqueries ne raconta pas à tout venant son aventure. Tout au plus le lendemain au petit déjeuner, avant de se rendre à son travail, évoqua-t-il sa vision pour son propriétaire M. Marot. Ce dernier ne pensait pas alors, à ce moment là, qu'il allait être quelques heures plus tard le témoin d'une confidence presque identique et encore plus bouleversante.
M. Marot travaille à l'entrepôt des tabacs de Bergerac.
Au matin du 2 octobre, un de ses compagnons, M. Jean Labonne, 63 ans, retraité de la S.N.C.F., domicilié non loin de chez M. Marot, au 18, rue Louis-Belin, le prend pour confident.
- Il était 22 heures environ. Je me trouvais seul chez moi, et revenais de fermer mon portail lorsque, parvenu à l'entrée de mon jardin qui s'étend derrière la maison jusqu'à la voie ferrée, j'aperçus, posé sur une bande de terre de 3 mètres sur 5 mètres un engin ayant la forme d'un champignon. Si la calotte était de teinte foncée, le corps construit, semble-t-il, en plexiglass, était lumineux. Et alors là devant moi, à 3 mètres à peine, paraissant comme m'interdire l'allée de mon jardin, une ombre.
"Qui est là? criai-je. Qui êtes-vous? Que me voulez-vous?" Je n'osais faire un pas.
"Au son de ma voix, la forme noire fit demi-tour, se glissa jusqu'à l'engin, et, en quelques secondes, celui-ci s'éleva vers le ciel suivi d'une traînée de lumière. Je vis très nettement, sous la coupole trois béquilles qui se repliaient."
"Mais mon étonnement n'était pas pour autant terminé. Dès l'aube, je me levais et retournais dans mon jardin près de l'endroit où j'avais vu l'appareil. Sur la terre grasse, je découvris trois empreintes légères; mais ce qui me bouleversa le plus, c'est une floraison de champignons longs de tige, de teinte noire, et inconnus dans la région, qui avaient subitement poussés. Je n'osais les toucher, et d'ailleurs, ils se dissipèrent comme rosée aux premiers rayons du soleil."
Est-il besoin de préciser que cette déclaration de M. Labonne, qui eut comme témoin, après M. Marot, M. Léonce Boyer, chef d'atelier de l'entrepôt des tabacs, et les ouvriers MM. Denis Rivière et Emile Marty, provoqua l'hilarité. Ces rires pour aussi involontaires qu'ils fussent, eurent pour effet de provoquer le mutisme immédiat de M. Labonne qui se refusa par la suite à renouveler son récit.
Il ne devait en parler que lundi 4 octobre, au cours de la matinée avec son voisin M. Defiz que M. Marot avait averti de la vision de M. Labonne.
Les témoignages de ces deux hommes permettent de situer exactement les manoeuvre de cet engin. C'est, sans contexte, M. Defiz qui dut l'apercevoir le premier alors que l'appareil s'apprêtait à atterrir dans le jardin de M. Labonne.
Durant les quelques minutes qui s'écoulèrent jusqu'à ce que M. Defiz ait gagné sa chambre, l'engin apparut à M. Labonne. Puis ce fut le décollage et la montée à la verticale, qui provoqua cet appel d'air que ressentit M. Defiz.
Actuellement, les compagnons de M. Labonne sont revenus sur leur première impression. S'il était en effet logique que la première déclaration de M. Labonne ne prête qu'à sourire, le caractère sérieux, la franchise, la pondération de cet homme ont jeté le trouble dans les esprits. M. Boyer, son chef, ne dissimule pas notamment que son scepticisme commence à être sérieusement ébranlé.
"Un homme comme M. Labonne que je connais depuis de nombreuses années, ne peut se livrer à de pareille facétie. Ce n'est pas dans son caractère."
Il suffit d'ailleurs de voir M. Labonne, de déceler son trouble, l'inquiétude qui envahit encore son regard, pour comprendre qu'il ne tient nullement à vouloir faire admettre un conte digne de l'apocalypse.
Il n'ose de nouveau toucher du doigt cette terre où il a vu l'engin se poser. On le sent en proie à une peur violente, qui paraît s'intensifier chaque jour davantage.
Quant à M. Defiz, c'est un jeune garçon d'allure sportive, au regard franc, direct, qui parle sans détour avec précision et clarté.
"J'ai servi dans l'aviation, dit-il. Je sais ce qu'est un avion à réaction, un ballon sonde ou même une fusée téléguidée. Mais dans ce cas présent il ne peut y avoir de méprise. Soucoupe volante, cigare volant, qu'ils viennent de Mars ou d'ailleurs, peu importe. Ce dont je suis formel, c'est que l'engin était de forme insolite et que jamais de ma vie je n'avais eu l'occasion d'en voir un semblable."
A.E.