L'article ci-dessous est paru dans le journal L'Abeille de la Ternoise, Saint-Pol-sur-Ternoise, Pas-de-Calais, France, page 1, le 30 octobre 1954.
Nous avons signalé, dans notre dernier numéro, le passage d'une soucoupe le lundi 18 octobre, entre 8 h. et 9 h. du soir d'abord à l'est de Doullens, puis sur Frévent et St-Pol, d'où le phénomène (ou engin?) prit la direction de la mer. Son itinéraire de Hem-Hardinval à Frévent est aujourd'hui établi. Elle passa à Montigny-les-Jongleurs, puis à Beauvoir-Rivière (Somme) à la limite du Ternois. Il semble qu'elle ait effectué une pause d'une demi-heure à trois quarts d'heure dans cette dernière commune, soit au sol, soit à très faible altitude. Elle y a permis, en tout cas de très instructives constatations, qui paraissent infirmer certaines hypothèses et tendre à en confirmer d'autres, sur la nature et les moyens de direction de ces engins mystérieux.
Un cultivateur de Beauvoir-Rivière, homme déjà d'un certain âge, et très sérieux, s'était attardé dans les champs à couvrir un silo de betteraves. Il vit soudain la soucoupe venir vers lui, à très basse altitude quatre ou cinq mètres et volant très lentement. "Sa vitesse ne dépassait sans doute pas, nous a-t-il dit 10 kms heure. J'eus l'impression qu'elle cherchait à se poser. Elle avait la forme d'une cloche avec un feu rouge au-dessous. Elle me parut être remarquablement pilotée: un petit bosquet étant sur sa route elle le contourna lentement, bien que sa hauteur lui aurait permis de passer au-dessus.
"Il se produisit ensuite un fait extrêmement curieux. La soucoupe continuait à venir sur moi. Entre elle et moi, se trouvait une pâture close de fil de fer ronce et piquets de fer. Dans le soir tombant cette clôture était pratiquement invisible. Il fallait connaître son existence. Or, en arrivant à celle –ci, la soucoupe fit un [virage] à droite à angle droit pour la longer, et ensuite, arrivé au piquet d'angle, un à gauche pour longer son autre face, en reprenant ainsi la direction générale nord-sud qu'elle suivait avant.
"A noter qu'elle eut pu aisément survoler ces clôtures, sans risque étant donné sa hauteur.
Un rideau ou crête se trouvait alors à sa gauche, elle le longea un moment. Puis appuyant de ce côté, elle prit un peu plus de hauteur pour le franchir. Elle survola alors, en direction nord-ouest, des champs en pente montante, en augmentant à mesure sa hauteur, en sorte qu'elle continuait à rester à la même distance du sol.
"Elle franchit ensuite une seconde crête, de la même manière que la première. Celle-ci la cacha ensuite à ma vue. Je supposais qu'elle s'était ensuite posé dans la plaine au-dessus.
"Cette supposition me parut être confirmé quand, rentrant trois quarts d'heure plus tard chez moi, ma femme dit qu'en revenant de traire, peu avant mon retour, elle avait vu une vive lueur rouge dans la direction où la soucoupe avait disparu pour moi.
Le cultivateur ne nous a fait ces déclarations que sous la promesse expresse de ne pas le nommer. Il ne veut pas passer pour un "voyeur de soucoupes". Et cela l'avait incité à se taire pendant huit jours, sans raconter à personne son aventure.
Nous lui avons posé les questions supplémentaires suivantes, qui nous ont paru d'intérêt.
- Les contours de la soucoupe était-il nets?
- Non, flous.
- Pourtant un objet métallique se détachant sur le ciel du crépuscule doit donner des arêtes nettes.
- Ce n'était pas le cas.
- Le bord inférieur se détachait-il plus nettement sur le feu rouge?
- Non plus.
- Quelle était l'aspect de ce feu? Celui d'une lumière? D'une lanterne? D'un feu de pot d'échappement? Etait-il net? ou diffus.
- Diffus; une sorte de luminosité plutôt.
- Avez-vous observé l'aspect des parois?
Impossible dans le crépuscule pour l'ensemble de la masse, qui faisait noir. Je pouvais seulement [sic] toile grise effilochée de la partie supérieure ne cadrent pas du tout avec la silhouette d'un aéronef métallique, ou d'autres matières, même dans le crépuscule. Par contre ce flou cadrerait très bien avec une formation nébuleuse gazeuse.
Nous pensons ici à la théorie selon laquelle les soucoupes "pourraient être" des tourbillons d'électrons groupés, et prenant forme de soucoupe, autour d'un "noyau de condensation" fourni, soit par une particule cosmique, soit par une particule radioactive parmi les millions qui en ont été projetés dans la haute atmosphère par les explosions nucléaires.
A noter que cette théorie cadrerait avec l'épisode des fils de fer ronce, les tourbillons d'électrons étant connus être repoussée par le métal.
Quant au feu rouge diffus, il est admis que de tels tourbillons d'électrons peuvent créer des luminosités phosphorescentes, au contact du gaz de néon flottant dans les basses couches de l'atmosphère de la même manière que le courant électrique, le fait dans un tube d'éclairage néon. Les expériences faites montrent que cette coloration varie selon l'intensité de l'agent radio électrique qui les provoque: rouge pour les intensités faibles fréquences et voltage pour le courant électrique puis orange, brun, violet, voire tirant sur le vert, quand elles augmentent.
A propos de cette question de luminosité notons encore qu'à Beauvoir-Rivière où elle allait très lentement, la soucoupe ne présentait qu'une luminosité rouge à sa partie inférieure, tandis que la dizaine de Saint-Polois qui ont vu la soucoupe un peu plus tard (indiscutablement la même) lui ont remarqué une queue éblouissante. L'émission lumineuse prend donc une intensité croissante avec la vitesse, la queue s'expliquant par le déplacement même de l'objet dans l'air. Infirmation péremptoire de la théorie de lieutenant Plantier, selon laquelle les soucoupes seraient entourées d'une ceinture d'air se déplaçant avec elle: dans ce cas il ne saurait en effet y avoir de traînée lumineuse, formant queue.
Ajoutons que l'engin fut aperçu le même jour et presque à la même heure à Hesdin, Montreuil et Etaples.