L'article ci-dessous est paru dans le quotidien Franc-Tireur, Paris, France, page 5, le 21 octobre 1954.
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Des informations ont percé concernant l'engin révolutionnaire construit en France par la "S.N.E.C.M.A." et baptisé "Coléoptère". Elles ont permis de savoir que des organismes français ont, malgré leurs faibles moyens, des bureaux d'études dont les réalisations se situe sur le même plan que celle de l'étranger. Le "Coléoptère" serait même plutôt en avance sur les convertibles américains et le fameux "lit-cage volant" britannique. Mais il a fallu des révélations faites en Allemagne, devant des savants étrangers, pour que le public ait connaissance d'une des réalisations les plus spectaculaires de notre industrie aéronautique, le secret le plus absolu continuant à l'entourer à l'intérieur de nos frontières.
Le "Coléoptère" est pourtant de nature à montrer nos possibilités, après une période où nos "insuffisances" étaient trop volontiers mises en vedette.
Après les avions de plus en plus puissants - si puissant que le "Javelin" britannique par exemple, dispose déjà d'une poussée supérieur à son poids et pourrait par conséquent, décoller sur place - et aux ailes de plus en plus réduites, tel le "Poignard volant" ["Delta Dagger"] américain, il était normal qu'on en vint à l'avion sans ailes. Elles portaient? Sans doute. Mais puisque la poussée des réacteurs suffit, maintenant, a assurer cette portance, pourquoi continuer à traîner ces accessoires encombrants qui n'ont plus que le tort de freiner l'avion? Le "Coléoptère", selon toute vraisemblance, en sera définitivement affranchi.
Le nouvel appareil ne sera plus qu'un moteur équipé d'un réservoir de carburant, d'un poste de pilotage... Et d'organes de contrôle.
Car le premier mérite de la Snecma a sans doute été de mettre au point un "déviateur de jet" que nous avons signalé en son temps et qui domestiquait, pour la première fois, les gaz brûlants émis par le réacteur.
Avec cet appareil, il devenait possible de modifier à volonté la direction de la force produite. En dirigeant le "jet" et en dosant sa puissance, il devenait donc possible d'assurer le contrôle de la vitesse de l'ensemble. C'est ce système qui est à la base de la nouvelle machine. Le pilote ne dispose que d'une cabine accrochée à la paroi d'un bolide sans ailes, fonçant dans l'atmosphère à la vitesse d'un obus - on a dit de 2.500 km.-h. - mais susceptible de se plier à sa volonté, de s'immobiliser et d'atterrir.
- Mais c'est une soucoupe volante! vont s'écrier certains.
Non! Le "Coléoptère" ne sera pas capable des accélérations extrême, des incroyables bonds généralement signalés par les "témoins dignes de foi" qui décrivent les sarabandes - contraires à toutes les lois physiques connues - de la vaisselle céleste.
C'est un appareil susceptible d'être réalisé dans tous les pays... Lorsqu'on aura appris à assurer sa stabilité au décollage et à l'atterrissage.
Nous avons déjà dit que les travaux entrepris à ce sujet sur le "moteur volant" français étaient encourageants.
Il serait bon de le faire savoir officiellement.
Au moins pour montrer aux contribuables que leur argent est quelquefois bien employé.
Robert SAVREUX.