L'article ci-dessous est paru dans le quotidien Combat, Paris, France, page 1, le 20 octobre 1954.
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Qu'on fasse intervenir les soucoupes volantes ou qu'on les néglige, demeure la question des habitants d'autres planètes. Le recours aux savants est, en ce cas, provisoire et peut être mis entre parenthèses car, de toute manière, la réponse scientifique est ici de l'ordre des spéculations. On peut donc supposer que les autres planètes sont inhabitées, mais on peut aussi supposer qu'elles le sont pas.
Si nous retenons cette dernière hypothèse, plusieurs série d'interrogations sont possibles.
On peut les ranger en deux groupes: qui sont, où sont, comment sont ces habitants d'autre planètes? Et comment prendre contact avec eux? Le premier groupe de questions reste sans réponse. Quant au second - la question de contact - on peut dire qu'il a déjà une histoire est que cette histoire se divise en deux périodes.
Première période: le contact est recherché dans le sens unilatéral qui va de la terre aux autres planètes. L'homme se projette dans le ciel dans le but de visiter de nouvelles terres. D'où toute une littérature et une spéculation du voyage interplanétaire voulu par l'homme.
Deuxième période: sous l'influence essentielle mais non exclusive des soucoupes volantes, le sens du voyage s'inverse, Mais demeure unilatéral: ce sont d'autres êtres qui nous rendent visite. La question du contacte devient un problème d'accueil. Comment allons-nous recevoir ces êtres venus d'ailleurs?
La question n'est farfelue qu'isolée de son contexte. Ramenée à l'intérieur du champ de force myto-scientifico-anticipatrice, elle apparaît comme parfaitement logique. Aux Etats-Unis, une association de femmes vient de se constituer en comité, dans le but d'étudier l'art de recevoir les Martiens ("Martiens" veut dire ici "habitants d'autres planètes". Ce fait divers répond symétriquement à un autre qui l'a précédé: l'inscription de plusieurs milliers d'américains pour le premier transport par fusée en direction de la Lune.
Une série d'attitudes sont possibles. Plusieurs romans d'anticipation résolvent la question par la guerre. Au lieu de recevoir humainement les Martiens, on les rejette. Il est vrai que les rejeter par la guerre est une manière "humaine" d'agir. Dans la plupart des cas, cette guerre interplanétaire organisée par les romanciers est envisagée comme un moyen de réaliser la fraternité et la solidarité terrestre et de faire cesser un conflit mondial (atomique, il va de soi, et donc équivalent à un suicide). La guerre contre les Martiens serait donc l'unique moyen de sauver le monde. Du coup, plus de blocs: URSS et USA deviennent alliés.
On peut imaginer, naturellement, d'autres comportements terrestres. Nous pouvons considérer les étrangers sur le plan seul de l'hospitalité et les recevoir en conséquence. Nous pouvons nous laisser conduire par la curiosité et avoir une attitude pacifique afin de la satisfaire. Nous pouvons aussi juger que nous avons tout à apprendre des étrangers ou, au contraire, qu'ils peuvent bénéficier de nos savoirs (selon qu'ils sont en progrès sur nous ou en retard).
Mais toutes ces vues supposent que les étrangers sont seulement différents de nous comme un Asiatique l'est d'un Européens ou un noir d'un blanc Les seules différences seraient en quelque sorte raciales. Au pire, le problème posé serait celui d'un racisme ou d'un colonialisme interplanétaire.
Mais si les différences son mentales? On peut imaginer (la chose a été cent fois faite) que les structures mentales des étrangers sont radicalement inconnues. Il y aurait donc, entre eux et nous, un no man's land entièrement vide. D'où la nécessité de construire un pont nécessaire à la prise de contact et une articulation cérébrale intermédiaire. Le premier élément à créer serait un langage commun.
Par la suite, on peut rêver de la phase suivante: Toutes les énergies de plusieurs planètes est employée à la fondation d'une littérature, des sciences et d'un enseignement commun.
Or aux différences de structures mentales peuvent s'ajouter des différences de structures physiologiques. Le problème se complique encore. Dans tous les cas il est possible de supposer que l'intervention des étrangers aboutit à un approfondissement et à un élargissement de la solidarité humaine. Et peut-être devrons-nous assumer, quelque jour, un surhumanisme qui soit à notre nouvelle dimension...
Gabriel VENAISSIN