Le blob, dont le nom scientifique est Physarum polycephalum, le nom commun "amoebozaire", est un organisme vivant qui a typiquement une dizaine de centimètres, mais qui est composé... d'une seule cellule.
Le blob n'est ni un animal, ni une plante, ni un champignon. Il est un quatrième ordre du vivant sur Terre.
Le blob n'a pas de cerveau, ni de système nerveux. Pourtant, on a découvert qu'il est non seulement capable d'apprendre de ses expériences, mais aussi de transmettre ce qu'il a appris à d'autres blobs en fusionnant avec eux définitivement ou temporairement.
Ceci a été démontré pour la première fois en avril 2016 [1], par des biologistes du CNRS, le "Centre National pour la Recherche scientifique" français, de l'université Toulouse III Paul Sabatier, dirigés par Audrey Dussutour. Puis cela a fait l'objet d'une deuxième publication scientifique en décembre 2016 [2].
Dans l'abstract de la publications scientifique de la découverte, les auteurs disent:
Cell fusion is a fundamental phenomenon observed in all eukaryotes. Cells can exchange resources such as molecules or organelles during fusion. In this paper, we ask whether a cell can also transfer an adaptive response to a fusion partner. We addressed this question in the unicellular slime mould Physarum polycephalum, in which cell–cell fusion is extremely common. Slime moulds are capable of habituation, a simple form of learning, when repeatedly exposed to an innocuous repellent, despite lacking neurons and comprising only a single cell. In this paper, we present a set of experiments demonstrating that slime moulds habituated to a repellent can transfer this adaptive response by cell fusion to individuals that have never encountered the repellent. In addition, we show that a slime mould resulting from the fusion of a minority of habituated slime moulds and a majority of unhabituated ones still shows an adaptive response to the repellent. Finally, we further reveal that fusion must last a certain time to ensure an effective transfer of the behavioural adaptation between slime moulds. Our results provide strong experimental evidence that slime moulds exhibit transfer of learned behaviour during cell fusion and raise the possibility that similar phenomena may occur in other cell–cell fusion systems.
Lors d'une expérience de neuf jours, les scientifiques ont donc confronté différents groupes de ce protiste à des substances amères mais inoffensives, qu'ils devaient traverser afin d'atteindre une source de nourriture. Un groupe était ainsi confronté à un « pont » imprégné de quinine, un autre à un pont de caféine tandis qu'un groupe témoin devait simplement passer sur un pont non imprégné. Au tout début réticents à franchir les substances amères, les protistes ont appris au fur et à mesure des jours qu'elles étaient inoffensives et les ont traversées de plus en plus rapidement, se comportant au bout de six jours de la même façon que le groupe témoin. La cellule a donc appris à ne plus craindre une substance inoffensive après y avoir été confrontée à plusieurs reprises, un phénomène que les scientifiques nomment habituation. Au bout de deux jours sans contact avec la substance amère, le protiste retrouve son comportement initial de méfiance. Par ailleurs, un protiste habitué à la caféine manifeste un comportement de défiance vis-à-vis de la quinine, et inversement. L'habituation est donc bien spécifique à une substance donnée.
L'habituation est une forme d'apprentissage rudimentaire qui a été caractérisée chez l'aplysie (un invertébré aussi appelé lièvre de mer)3. Cette forme d'apprentissage existe chez tous les animaux, mais n'avait encore jamais été trouvée chez un organisme dépourvu de système nerveux. Cette découverte chez un protiste, lointain cousin des plantes, champignons et animaux, apparu sur Terre environ 500 millions d'années avant l'homme, permet de mieux comprendre les origines de l'apprentissage, qui précède de loin celles des systèmes nerveux. Elle ouvre également la possibilité de rechercher des types d'apprentissage chez d'autres organismes très simples comme les virus ou les bactéries.
Le blob est une cellule unique, mais qui contient des milliers de noyaux. Si sa taille est généralement d'une dizaine de centimètre, il suffit de le nourrir pour qu'il atteigne plusieurs mètre carrés de surface. Il se déplace dans son environnement à une vitesse pouvant atteindre cinq centimètres par heure.
Il est plus primitif que les trois règnes bien connus des animaux, plantes et champignons, mais partage des caractéristiques avec ces trois règnes. Il se reproduit comme un champignon, il mange comme un animal et il a les piments des plantes. Il est jaune vif, plat et parcouru par un système veineux qui permet de distribuer toutes les ressources à l'intérieur de la cellule. Il n'a pas de forme définie, il a des pseudopodes, des petites excroissances qui vont dans toutes les directions.
Il est connu depuis très longtemps, avec un millier d'espèces proches. On peut le trouver de manière microscopique ou macroscopique dans les sous-bois, les forêts, il déteste la lumière et est difficile à voir car on le confond facilement avec un champignon ou un lichen. Il est très gluant et a besoin de beaucoup d'humidité.
Il existe depuis au moins 500 millions d'années, au plus un milliard d'années. Il compose des réseaux, mange des champignons, et en laboratoire, adore le flocon d'avoine. Il y 720 sexes différents.
On ne connait pas sa durée de vie, mais un blob en laboratoire est élevé depuis plus de 60 ans. Un morceau coupé de Blob continue à vivre et à se développer, ce qui suggère une immortalité potentielle.
Dans une interview parue dans le journal La Dépêche le 24 décembre 2016, Audray Dussutour déclarait:
"Ce qu'on savait déjà, c'est qu'il savait sortir d'un labyrinthe, qu'il connecte son réseau veineux sur différentes sources optimales de nourriture. Un réseau bien mieux élaboré que le réseau ferroviaire japonais, selon des chercheurs. On s'est demandé s'il pouvait résoudre des problèmes nutritionnels, auxquels sont confrontés tous les organismes vivants. On s'est aperçu qu'il faisait ça mieux que nous. Il est unicellulaire, sans cerveau, et on observe qu'il peut en fait apprendre. Ça nous renseigne sur l'origine des processus d'apprentissage et les grandes transitions évolutives. Ça montre qu'une cellule est capable d'apprendre par elle-même. Dans le cerveau, la mémoire est un réseau de neurones, on a toujours cru cela. Or, la mémoire peut-être renfermée dans la cellule. En avril dernier, on lui a appris à ignorer le sel, on la fait à 2000 «blobs» et on les a fait fusionner avec des "blobs" naïfs (qui n'avaient jamais rencontré du sel). On observe que lors de cette fusion avec des «blobs» expérimentés, tous se comportent comme des blobs expérimentés. Donc, il y a un vrai transfert d'apprentissages d'un blob à l'autre."
Elle explique que comme cinéphile, elle a appelé cet organisme "Le Blob" ("Danger Planétaire") à cause du film de 1958 du même nom avec Steve McQueen, qui racontait comment un extraterrestre géant et gluant qui double de taille chaque jour semait la terreur dans la petite ville de Downingtown, en Pennsylvanie.